Fragment #62 - Visites

C’est ma deuxième visite de la journée. Un appartement de cent mètres carré rue du temple, près du Bazar de l’Hôtel de Ville et de la rue de Rivoli. L’espace est laid, chaque pièce fait environ vingt mètres carré, l’état est lamentable. Les tapisseries sont à refaire ainsi que l’électricité. La cuisine est crasseuse, mal agencée et seule une petite lucarne y amène la lumière du jour. D’ailleurs, aucune fenêtre ne bénéficie du double vitrage malgré le fait que l’appartement donne sur la rue et que le quartier soit festif. Enfin, ce taudis crasseux se trouve au troisième étage, sans ascenseur.
Ma première visite, avec une autre agence, s’est toute aussi mal passée. Je décide de revêtir mon costume de jeune riche merdeux pour faire comprendre à ce crétin qu’elles sont mes attentes et mes désirs et quel est son rôle auprès des clients.
- Je crois que nous nous sommes mal compris. Me faire perdre du temps, et le votre par la même occasion, pour me faire visiter des trous à rat comme celui-ci, est vraiment décevant. J’attendais beaucoup mieux de votre agence qui se targue d’apporter satisfaction à ses clients.

Son visage se décompose et j’ai enfin le plaisir de voir le sourire qu’il affiche depuis le début de la visite disparaître de son faciès chevalin. Alors qu’il ouvre la bouche pour me répondre, je l’interromps d’un geste de la main et reprends :

- Je cherche à acheter quelque chose d’unique, en bon état. Ce n’est pas la peine de me faire déplacer pour ce type de produit. Vous devriez relire cette fiche que vous m’avez fait remplir hier et qui contient l’ensemble de mes critères. Ceux-ci ne se résument pas à un quartier, ni à un joli parquet.

- Je suis désolé monsieur Carmichael. Mais la surface correspond à vos désirs, de même que l’arrondissement, le parquet, les moulures au plafond et la cheminée ancienne.

- Écoutez ! Peu m’importe ce que vous pensez. Je cherche un appartement moderne, spécial, bien ensoleillé et lumineux. Je souhaite qu’il soit aux normes, propre et qu’il ait un certain cachet. Je ne suis pas pressé, donc prenez votre temps pour sélectionner ceux que vous me présenterez. N’oubliez pas que j’achète et que la commission sera pour vous si vous trouvez ce que je désire avant vos concurrents. Sûr ce, je ne vais pas vous faire perdre plus de temps. Bonne journée.

Le vendeur me suit jusqu’à la porte, la sueur ruisselle de son front malgré le froid de l’appartement vide de tout habitant. Cependant une nouvelle résolution semble luire dans ces yeux, peut-être n’est-ce que de la colère.

- Bien, je vous contacte dès que j’ai ce type de produit. Au revoir.

Alors que je me dirige vers le métro, la pensée que ma collocation pourrait durer plus de temps que prévu flotte dans mon esprit. J’hésite quelques minutes devant la bouche du métropolitain, le temps de m’allumer une cigarette, puis repars vers le marais et me dirige vers le carré, café gay réputé. Maintenant que je suis à Paris je vais peut-être pouvoir baiser un peu plus.