Fragment #37 - Rêve cinquième : moi

Je bats des jambes pour me propulser en direction de la surface. Je ne suis plus très loin. Déjà, je peux voir l'éclat du soleil au dessus de moi. Encore quelques mètres, et me voilà à l'air libre. Je me mets à tousser, évacuant ainsi l'eau qui s'était engouffrée dans mes poumons, puis prends une profonde bouffée d'oxygène. Je reprends mes esprits quelques secondes, toujours en battant des jambes pour me maintenir en surface, puis jette un coup d'œil autour de moi. Un frisson me parcourt de bas en haut quand je découvre qu'autour de moi il n'y a que de l'eau. Rien d'autre que de l'eau. La mer ? Non, l'eau n'est pas salée. Un lac alors ? Un lac... Oui, j'ai l'impression d'y être déjà venue. Et si je suis venue je dois pouvoir repartir.
« Tu ne pourras pas partir. »
La voix dans mon dos me fait sursauter. Je me retourne. Devant la vision qui s'offre à moi, mon cœur se met à battre frénétiquement. Je... Qu'est-ce que c'est que ça ?
En face de moi, flottant à quelques centimètres au dessus de la surface du lac, une jeune fille, aux cheveux d'un blond éclatant, complètement nue. Mon double. Moi.
« Tu as l'air surpris. »
La fille me regarde d'un air méprisant.
« Pourtant, tu me connais bien. Je suis toi. Le vrai toi que tu essaye de cacher à tout le monde.
- Mais, tu ne peux pas être moi, je ne...
- Laisse moi parler ! »
L'autre moi fait un geste de la main et une grosse déferlante vient s'abattre sur moi. Quelques secondes plus tard, je refais surface, de l'eau plein les poumons. Après que j'ai fini de tousser, l'autre moi reprend son discours.
« Tu as voulu me cacher aux yeux de tout le monde, parce que tu ne m'aimes pas. Tu ne voulais pas que les autres me voient. Alors, tu m'a enfermée ici.
- Mais, je n'ai rien fait...
- Tu te moques de moi ! »
Des gerbe d'eau surgissent de tous les côtés et viennent s'écraser sur moi. Pendant ce temps, mon double furieux continue son monologue.
« Pendant toutes ces années tu m'a gardée ici, dans cet endroit vide, seule ! »
Les attaques s'apaisent, l'eau redevient calme. J'écarte une mèche de cheveux humide de mes yeux et regarde mon interlocutrice. De grosses larmes perlent sur ses joues. Elle continue.
« Enfin, seule jusqu'au moment où elle est apparue.
- De qui est-ce que tu parles ? »
L'autre moi me foudroie du regard.
« Je parle de celle qui me dévore et que tu as toi même crée. Celle qui nous détruira si tu ne fais rien.
- Je ne comprends pas. Je n'ai rien créé de tel... »
Avant que je n'aie terminé ma phrase, l'eau se met à bouillonner autour de moi et je m'élève lentement au dessus de la surface. Je suis maintenant au niveau de mon double, identique à elle, et elle, identique à moi. Nous nous regardons dans les yeux.
« La chose que tu as créée, cette force destructrice qui nous poursuit, toutes les deux, c'est l'angoisse. »
L'angoisse... Le mot résonne dans ma tête tel un écho. L'angoisse... Oui, c'est vrai. Elle est là depuis le début. C'est elle qui me poursuivait. Mon alter ego me saisit les mains.
« Maintenant, l'heure n'est plus à la fuite. Il faut se battre. »