Fragment #72 - Pré-soirée

La soirée s'est bien passée. Nous avons parlé de choses et d'autres : ma recherche d'appartement, son travail, ma soeur, ses parents... Nous avons ri à l'évocation de nos souvenirs communs. On ne rattrape pas un an en une soirée, mais on peut essayer... Surtout lorsque la complicité est là, ainsi que l'alcool. Je sens mes veines transporter le poison dans mes organes, troubler mes perceptions, poser un filtre euphorique sur mon regard.

- Même si ta soeur ne m'aime pas, je la plains. Être mère est une étape essentielle du développement féminin.

Oui, elle ne t'aime pas. Tu es mon Lucifer, mon porteur de lumière. Celui qui m'entraîne en enfer pour que je brille comme un soleil. Celui qui me fait avancer, qui me protège. Elle te jalouse et t'envies. Elle aimerait être à ta place, certaine de mieux me guider.
- Oui, c'est clair. Mais elle s'investit à fond dans sa thèse pour le moment.
Je me ressers un énième verre tandis que la musique passe à "Poker Face" de Lady Gaga.
- Il va être minuit. On ne va pas tarder.
- OK. Je termine mon verre et on file.
Nicolas file à la salle de bain pour vérifier qu'il est parfait, pour séduire, pour plaire. Ce soir je rencontre trois de ses amis : Rachel, Gautier et Emilie. Rachel est sa meilleure amie, depuis un an. J'appréhende un peu car elle semble avoir pris laplace que j'avais laissé.
Il ressort de la salle de bain, aussi beau qu'avant d'y rentrer.
- C'est bon ? Tu es parfait ? Tu pense pouvoir séduire toute la boite ?
Mon ton est un peu plus agressif que je ne l'aurais voulu. Tant pis, mettons ça sur le compte de l'alcool...
- Non, je veux juste que tu ne trouves aucun mec mieux que moi.
Un silence. Un long silence durant lequel la musique s'amplifie et occupe l'espace entre nous. Un regard, un long regard qui en dit long sur nous. Puis un rire, partagé qui raisonne de tout ce qu'on ne dit pas, de tout ce qu'on ne se montre pas.
- Bon allez, on file. Il est minuit et demie, le taxi doit être en bas.
Il passe son bras autour de ma taille et me fait, en riant, un bisous sur la joue. Nous voilà partis aux Follivores.