Fragment #59 - Ou pas

Soleil doux. Ciel parfait. Florian va rentrer aujourd'hui avec un grand sourire, il va me dire combien il est désolé, combien il regrette, combien tout ça est sa faute. Je vais le regarder et je ne parlerai pas. Je vais jeter dans ses yeux des milliers de poignards, pour lui faire voir l'étendue de ma douleur et de ma colère. Je vais lui déchirer le cœur.
Tu te souviens, grand frère, quand je suçais tes potes dans la toile de tente pendant leur sommeil ? Tu te souviens, quand ils m'ont attrapé et que mon secret a été révélé ? Rappelle-toi. Rappelle-toi avec précision la façon dont tu t'es comporté. Ton incompréhension. Ta sécheresse. Ta dureté. Tu es devenu aride. Tu es devenu aussi impénétrable que la pierre. Tu es devenu minéral.
Où était donc passé mon frère préféré ? Mon compagnon de jeux d'enfants ? Mon camarade ? Où étais-tu donc ?! Je t'ai cherché partout, j'ai tenté de briser tes scellés. Je voulais retrouver ce frère chéri que je ne comprenais plus, ce frère qui ne voulait pas me comprendre. Alors s'est enclenchée une guerre froide et sans pitié. Nous étions devenus ennemis. Tu gardais le silence et le silence nous a dévoré.
Aujourd'hui, espères-tu obtenir mon pardon ? Il est un peu trop tard pour ça, tu ne crois pas ? J'ai trop longtemps cherché à comprendre pourquoi toi tu ne pouvais pas me comprendre. J'ai trop longtemps absous tes fautes envers moi. Celle-ci est la dernière, elle est impardonnable.
Florian rentre de l'hôpital. J'ai entendu la porte claquer. Il va venir frapper à ma porter, demander pourquoi je ne suis pas venu une seule fois le voir, pourquoi je ne suis pas venu le chercher. Ou pas. Je l'entends qui continue son chemin sans s'arrêter. Entre dans sa chambre. Verrouille la porte à clé.
Je ne m'y attendais pas. Mais c'est mieux ainsi.