Fragment #76 - Malade

J’enfile mon jean sans même mettre un boxer et passe un tee-shirt. Je jette un regard dans le lit, il n’a toujours pas bougé. Je ramasse son boxer qui traîne au pied du lit et lui balance mine de rien.
- J’peux prendre une douche ?
Merde. Ce crétin ne comprend pas. Je n’ai pas envie de le voir errer dans l’appartement, je n’ai pas envie de me soucier de ce qu’il fait. Un plan cul ce n’est pas une invitation à déjeuner.
- Pourquoi ? T’as pas l’eau courante chez toi ?
L’effet est immédiat, une fois la surprise passée. Il sort du lit et se jette sur son jean et ses baskets. Quelques minutes plus tard, je peux enfin jouir de l’appartement. Il est midi et demi. Il me reste trois heures avant mon prochain rendez-vous. Je consomme sans désir, sans réelle envie, juste pour m’occuper. Ma sœur évite son propre appartement depuis peu, je sens que notre collocation touche à sa fin.
Nous sommes plutôt des solitaires dans la famille. Nous avons besoin d’un large territoire, sans concurrents. Nous ne voulons pas être responsable de quelqu’un, nous ne voulons pas avoir à nous soucier du bien être des autres. C’est égoïste mais ça permet de s’épanouir plus librement, sans entraves.
Je m’assieds face à la fenêtre, j’attends que le temps passe. Le soleil me réchauffe doucement et une douce léthargie me saisit. Je devrais m’occuper, lire. Je devrais sortir me promener mais le cœur n’y est pas.
Mes paupières se ferment malgré moi. Avant que le sommeil ne me prenne une pensée me traverse l’esprit. Elle est fugace, rapide. Je ne suis même pas sûr qu’elle vienne de moi. Son écho résonne en moi alors que je sombre dans un néant bienfaisant.

Tu es malade. Ton cœur est malade autant que ta tête.