Fragment #78 - Provincial mal dégrossi

J’arrive devant le café « les Philosophes » rue vieille du Temple, en plein Marais. Nicolas m’attend en terrasse, une bière blonde posée devant lui. Comme d’habitude, beaucoup de regards convergent vers lui, pleins de convoitise et de désir.
Et non bande de cons, il est à moi.
Je m’assois en face de lui après lui avoir fait la bise.
- Alors quoi de neuf depuis les Follivores ?
Mon ton est enthousiaste bien que je sache que mon silence radio n’a pas dû lui plaire.
- Rien de spécial, beaucoup de travail à la boite, on a récupéré quelques gros dossiers.
- C’est quoi déjà le nom de ton agence ? Je t’avoue que je ne t’imaginais pas publicitaire.
- Iriscom, et publicitaire ça colle quand même assez à ma personnalité. J’aime plaire, séduire. Je sais me vendre et donc vendre des produits.
Merci de me le rappeler, ça je le sais que tu sais te vendre.
- Mais bon tout ça ne m’explique pas le mal que j’ai eu à t’avoir au téléphone.
- J’étais assez occupé. Je me cherche un emploi, je vais avoir l’appartement dont je t’ai parlé… C’était une semaine assez chargée.
- Ah ok. Moi aussi j’ai été un peu débordé. Mais bon j’ai quand même trouvé le temps de t’appeler…
- Bon pour me faire pardonner je t’invite au resto dimanche soir.
- Euh je ne sais pas. J’ai un ami qui débarque de Dijon demain.
- Un ami ?
- Oui, enfin un ex plan cul, qui risque de le redevenir rapidement d’ailleurs.
Il sourit à sa propre blague et je me force à faire de même. Je hais déjà ce mec, je suis jaloux de ce qu’il a pu vivre avec Nicolas, de ce qu’ils ont partagé.
- Bah dans ce cas je vous invite tous les deux.
Je me maudis d’avoir prononcé cette phrase. Je me maudis d’être aussi stupide, d’être aussi bête. Non je ne veux pas partager un repas avec Nicolas et son nouveau mignon.
- Nickel, parce qu’à part le baiser je ne sais pas trop ce que je vais faire avec. En plus je travaille la semaine donc il va devoir s’occuper seul. Peut-être que tu pourrais t’en occuper toi ?
- Oui, bien sûr avec plaisir.
Voilà, je veux tellement lui plaire, ne pas le décevoir, avoir l’air d’être quelqu'un de formidable que je ne réussis pas à lui dire non. Me voilà coincé une semaine avec ce provincial mal dégrossi.