Fragment #79 - Au culot

Samedi soir. Assis dans le canapé je regarde le temps passer. J’ai essayé de lire un peu mais mon esprit est ailleurs. La télé est éteinte, l’appartement est silencieux. Tureïs dort sur un fauteuil crapaud, Elisabeth est sortie sans me dire à quelle heure elle comptait rentrer. Je n’ose pas appeler Nicolas qui doit être en train de baiser pour la énième fois son dijonnais. Je devrais me coucher mais l’humeur n’y est pas. Je ne me sens pas fatigué. Mon rythme de vie est complètement décalé à force de me lever tard et de ne rien faire de mes journées.
Qu’est-ce que c’est ?
Une vibration me tire de mes pensées. Je reviens à la réalité, quelqu’un écoute de la musique de manière assez forte pour traverser les murs épais de l’immeuble. La musique m’assaille une fois la fenêtre ouverte, des éclats de voix montent jusqu’à moi. Ces gens semblent faire la fête et savoir s’amuser.
Effectivement, il y avait un mot sur la porte d’entrée. Je crois que nous sommes conviés à venir boire un verre en cas de gène. J’hésite. Ça ne se fait pas de s’inviter chez les gens. Il est déjà onze heure et demie. Tant pis.
Je me sers une autre tasse de thé et essaye d’écouter « la symphonie du nouveau monde » de Dvorak. Le temps passe lentement, je me sens agité. Cette idée me taraude : descendre et aller me mêler à ces gens que je ne connais pas.
Je me rends dans la salle de bain et vérifie mon accoutrement. Un jean assez moulant et très pâle, un tee-shirt gris avec un col en V. La tenue semble correcte, un peu détendue peut-être. J’enfile mes Hummels et descends à l’étage du dessous. Je repère facilement l’appartement à l’origine du bruit.
Je toque à la porte assez fort pour être entendu. La musique baisse soudainement et des murmures se font entendre. Je pense qu’ils s’imaginent que je suis venu leur demander de baisser la musique, venu me plaindre de tout ce bruit, de ce manque de respect.
La porte s’ouvre sur un charmant jeune homme. Un sourire illumine son visage.
- Excusez-nous pour le bruit, je fête mon anniversaire. Je vais baisser la musique si vous voulez.
- Euh non. Je suis votre voisin du dessus et je viens pour me faire offrir un verre.
Je ris en disant cela. Je suis surpris de mon propre toupet, de ce culot monstrueux avec lequel je m’impose. Je devrais avoir honte mais je m’en fous. Je sais qu’il va céder et m’inviter car j’ai vu dans son regard que je lui plais. D’ailleurs j’entends ses amis discuter et je reconnaîtrais ces piaillements de folasses dépravées entre mille.
- Mais bien sûr, avec plaisir. Ce sera l’occasion de faire connaissance.
Le sourire qu’il m’adresse laisse présager une fin de soirée mouvementée, un after charnel et sexuel.
Je le suis et franchis le seuil de son appartement, mon regard aimanté par son petit cul galbé.