Dimanche 22 mars 2009
à Paris
05h17. Ne pas dormir. Ne pas fermer les yeux. J'en ai envie pourtant. Une sombre envie qui vous tient de toutes parts. Vous transperce de part en part. De part et d'autre. Et d'autre part vous envoûte. On rentre de quatre heures d'incendies, pour lesquelles nous n'avions pas été prévenus au départ. C'était une simple, si l'on peut dire, fuite de gaz. Enfin c'est ce que suspectaient les habitants de l'immeuble qui nous ont appelés. Ils ont bien fait parce qu'on a tous senti cette odeur suspecte dès que nous sommes descendus du camion. Un homme s'est senti obligé de descendre nous chercher. Ça partait d'un bon sentiment, mais il a eu le malheur d'allumer la lumière une fois arrivé dans le hall. Immédiatement l'étincelle dans l'interrupteur a eu son effet fatal. Elle a provoqué l'embrasement du gaz qui s'était répandu dans la pièce. De dehors on a juste eu le temps devoir l'individu se consumer instantanément, et ses organes être projetés contre la vitre par l'effet de souffle. J'ai très vite eu le réflex d'enlever mon harnais et de briser la vitre avec ma bouteille d'air. Une chaleur intense s'est alors dégagée par cette ouverture, néanmoins le feu a, sous le coup de la chaleur et de la pression, très vite embrasé les escaliers, et s'est propagé bien plus qu'on ne s'y attendait. On a appelé des renforts qui se sont chargés d'évacuer par l'extérieur les autres habitants de l'immeuble, tous dégoutés par les morceaux noircis sur les vitres de la porte d'entrée de l'immeuble, qu'ils ont pu apercevoir en descendant le long de l'échelle.
Établir, circonscrire, attaquer, éteindre, protéger, déblayer, surveiller, reconditionner.
Et rentrer. Rentrer avec ce camion plutôt confortable dans lequel je m'efforce de ne pas dormir, de ne pas fermer les yeux. La fatigue m'assomme.
Arrivé à la caserne, il faut nettoyer les tuyaux et les faire sécher. Me laver et me sécher. Je m'étends sur mon lit en espérant que le bip ne sonne pas à nouveau pour moi tout de suite. Je veux pouvoir me reposer. Je m'étends sur mon lit et ferme les yeux.
J'entends du bruit à côté de moi. J'entrouvre légèrement les yeux pour voir ce qui se passe. Momo est là, en chaussettes, se battant dans le plus grand silence avec son sac pour qu'il rentre dans son armoire.
« C'est bon je suis réveillé. »
Il sursaute, et son sac choit dans un bruit sourd.
« Bonjour, je voulais pas te réveiller.
- C'est pas grave. Mais qu'est ce que tu fais là ? Je croyais que tu prenais ta garde à neuf heures.
- Oui c'est le cas, et c'est dans dix minutes. » Il m'annonce cela en ouvrant le rideau. Le soleil est déjà levé, il baigne la ville d'une lumière qui m'éblouit. Je n'en reviens pas, j'ai dû dormir presque trois heures sans être dérangé. Je crois que c'est un record pour ces trois mois passés en casernement. Je remets mes rangers et change de polo. Je prends un bouquin, m'étends à nouveau, et me repose au maximum tant que c'est possible. Après j'irai déjeuner.