Mardi 24 mars 2009
à Paris
12h07. Je sors de ma chambre. Ma sœur écoute de la musique dans la sienne. Je m'arrête un instant devant sa porte pour la contempler. Allongée sur son lit, ses courbes féminines se dessinent aisément pour les murs voyeurs qui, comme moi, contemplent cette Vénus sortie des eaux. Elle ne me voit pas, elle gribouille sur une feuille. Dessin ? Écriture ? Ma sœur est une artiste ne l'oublions pas. Plutôt bohème, indépendante et solitaire.
J'ai faim. La contempler ne nourrit pas. Je tourne sur mes talons, direction la cuisine. J'ouvre le frigo. Le referme. Le placard de gauche. Celui sous l'évier. À coté de la poubelle. Je tourne sur mes talons direction sa chambre.
« Laura ! Il n'y a plus rien à manger ! »
[à la ligne] Elle se retourne
_ surprise, mais ne se laisse pas faire. Le ton va monter.
« Si tu mangeais moins aussi, gronde-t-elle.
- Je te signale que je suis moins souvent là que toi,
hurle-je.
- Ce qui ne t'empêche pas de manger davantage. »
Pause.
« C'est moi qui ai été faire
les course la dernière fois.
- Tu n'as qu'à y retourner, moi je peux me passer de manger.
- Ce que tu peux... Arrgh ça m'énerve. »
Je quitte sa chambre encore plus énervé qu'en y entrant. Je me dépêche d'enfiler des chaussures, ouvre la porte, m'apprête à la claquer, quand j'entends sa voix pleine de cette tendresse forcée, surfaite et insupportable.
« N'oublie
s pas d'emmener des sacs, sinon tu vas encore devoir en acheter. »
Je fulmine intérieurement. C'est l'heure de manger, j'ai rien à me mettre sous la dent, et elle m'énerve. Mes doigts se crispent sur les anses des sacs, je manque de renverser la
vielle voisine dans l'escalier. Dehors il y a ces voitures, ce bruit, cette pollution, et moi qui marche d'un pas pressant. Je veux rentrer chez moi, au calme. Et vas-y qu'ils se klaxonnent. Laisse moi traverser,
Connard ! Encore un chien qu'a chié sur le trottoir, mais tuez-les ! En plus elle a eu le culot de
ma laisser sa liste de course au fond d'un des sacs. La garce. Bon
_ je prends quoi. Compotes. Quel parfum ? Elle préfère pomme-fraise il me semble. Je vais prendre abricot. Cassoulet, ravioli, paella, tant pis pour son pseudo-régime. Je remplis le panier rapidement.
Une fois à la caisse la tension est redescendue. Je manque quand même d'exploser quand je vois que la petite mamie de devant voudrait absolument raconter les vacances de son petit-fils à la caissière qui n'en a visiblement rien à faire. Pour me calmer je vais reposer les compotes et prends celle à la fraise. La petite vieille est partie, la caissière
à commencé de passer mes articles. Je paie. Je rentre. Je monte les escaliers. Je pousse la porte. La table est mise. Laura m'aide avec les courses. Adossé à l'évier, je prends un grand verre d'eau tandis qu'elle commence à éplucher le concombre. Je lui baise l'épaule nue qu'elle me présente. Elle me sourit. Je regarde dans mon verre. L'eau c'est la vie. L'eau c'est le goût. Le goût de la vie, qui dilue vos aigreurs et atténue toute rancœur.