Shedar
| Sujet: Fragment #16 - Une promesse 11.04.08 12:24 | |
| Mercredi 21 février 2007 à Dijon Je ne peux pas vous dire quel homme est devenu mon frère. Je ne sais même pas si je suis son frère... Parfois, lorsqu’il passe en coup de vent chez les parents, nos regards se croisent quelques instants. Mais sans un mot. Nous ne nous sommes pas adressé la parole depuis longtemps. Trop longtemps. C’est insupportable... Je n’ose pas aller à sa rencontre, je n’ose pas frapper à sa porte. Je n’ose pas lui dire que j’ai besoin de savoir qui il est, besoin de savoir comment il va, ce qu’il pense de ce que je fais ou ne fais pas. Besoin qu’il soit mon frère. Pourtant cela ne me dérange pas de ne pas parler aux parents autant qu’il serait normal de le faire. Mais lui c’est mon frère... Je ne l’explique pas, j’ai besoin de lui, c’est tout. Depuis toujours, il n’est qu’une promesse. Une promesse qui s’efface, peu à peu. Il a été la promesse d’avoir un frère lorsque je serais grand, puis, la promesse d’être un frère dès qu’il aurait le temps, la promesse d’être le frère qu’il n’a pas été ou pas eu le temps d’être... Il est grand, mon frère, et c’est une grande promesse. Mais j’y crois. C’est tout au fond de moi, c’est vrai, mais j’y crois. Je crois qu’un jour tout ça changera. Je crois qu’un jour lui et moi nous retrouverons et poursuivrons les années égarées... En attendant je tente de combler ce manque avec des souvenirs, qui ne renvoient à aucune réalité. Je crée des images, des phrases, des émotions, leur accorde une date, puis les intercale entre deux instants du passé. Je crois que je n’ai aucune autre preuve cette ébauche de fraternité, sorte de volonté offerte, de désir méconnu... J’interromps là mon délire, relativement loin de la question, réponds au S.O.S. de ma langue, qui surchauffe, en profite pour relever la tête d’un mouvement anguleux me permettant de me réconcilier avec mes cheveux, de m’assurer que Michelle ne s’est pas endormie pendant mon monologue. Je lis dans ses yeux l’attention que je n’osais espérer trouver, et la sincérité qui va avec... Michelle, je suis désolé. Je ne sais rien de lui. Puis elle prend le relais... Tu sais, je ne le connais pas plus que toi. On parlait, parfois, avant qu’il ne disparaisse peu à peu... Ce qu’il disait de toi, c’est qu’il voulait te protéger, et que la meilleure façon était de partir. Il ne m’en a jamais dit plus. Il n’a jamais été plus précis concernant la position qu’il a prise par rapport à sa famille. J’aurais aussi aimé t’aider, mais je ne le peux pas... | |
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