Fragment #97 - Longue journée

Le troisième client de la journée quitte la boutique après avoir fait le tour des tables. Monsieur Cohen le suit du regard et se replonge dans l’observation d’un livre. Je ne comprends pas ce qu’il fait, mais lorsque je me suis approché pour lui demander, il m’a fait signe de m’éloigner. Je reste derrière le comptoir même si il est seize heure et que je quitte dans une heure. J’aurais passé ma journée derrière ce comptoir à attendre le client. Je ne sais vraiment pas quoi faire.
Ce métier me semble long et ennuyeux. Je n’ose plus prendre d’initiative depuis que je me suis fait rabroué pour avoir voulu dépoussiérer les tables.
Les minutes défilent lentement tandis que les parisiens profitent du beau temps. J’aimerais être au soleil en terrasse. Je ne sais pas pourquoi j’ai décidé de travailler ici et de cumuler deux métiers. Je ressens encore le stress du cabaret, le stress de mon individualité confronté à cette équipe soudée. Le travail dans la librairie me semble être à l’opposé : je ne suis confronté qu’à moi-même et à monsieur Cohen.
Heureusement, je ne redémarre que demain soir au cabaret, ce qui me laisse le temps de décompresser.
Nicolas m’a laissé un message pour qu’on essaye de se prendre un café ensemble, prochainement. Je n’ose pas lui répondre de peur de contrarier ce vieux casse-pieds aux yeux d’aigles.
- Vous pouvez y aller Maël. A demain.
Voilà, il me congédie, sans me demander comment s’est passée ma journée, ce que j’en ai pensé. Les gens s’en foutent.
Je prends ma veste et sors dans le soleil de cette fin d’après-midi. Je vais rentrer à pied pour profiter un peu de ce qui reste de la journée.