Fragment #100 - Réferentiels sociaux inconscients...

Il existe des gens que l’on comprend intuitivement, avec qui le courant passe immédiatement, et il y a ceux qui ont un mode de pensé si éloigné du notre que nous ne pouvons deviner la moindre de leur pensée, la motivation de leur acte. Leurs paroles semblent en inadéquation avec leurs actes, leurs mouvements nous semblent contredire leur personnalité. Tout en eux sonne faux, étrange, différent. La simplicité nous fait les détester, car ils ne correspondent à aucun schéma auquel nous pouvons faire référence, rien à quoi nous raccrocher, nous ne pouvons faire de lien entre leur comportement et celui de quelqu’un d’autre. L’absence de référentiel nous perturbe, nous fait peur. Le rapport semble faussé, déséquilibré Alors on essaye de comprendre, de saisir la personnalité de cet autre. Cependant même si la personne semble parfaite, si son comportement reste socialement correct, cela ne suffit pas. On attend autre chose, la suspicion demeure, ainsi que la peur.
Dans ce genre de situation, la vérité ne peut éclore que du dialogue, de l’échange. Alors, et uniquement par ce moyen, on peut comprendre les motivations de l’autre, car il nous les explique. Les incompréhensions disparaissent pour faire place à la clarté. Mais, pour ce faire, il faut accepter de croire l’autre, il faut laisser ses à priori et remettre en cause le jugement initial. Il faut voir selon le point de vue de l’autre.

Demain ça fera une semaine que je me suis engueulé avec Lucie. Son comportement s’est modifié petit à petit : de la froideur la plus totale à la tolérance aujourd’hui. Nous ne nous parlons toujours pas, nous ne délirons pas, nous ne plaisantons pas. Rien. Mais la tension du départ semble s’être amenuisée. Je ne pense pas qu’elle m’apprécie, qu’elle ai modifié son jugement, mais elle a tout du moins décidé de ne plus se prendre la tête avec moi.
Je ne sais pas si nous réussirons à dialoguer un jour. La remise en question ne semble pas être son point fort. Puisque la situation semble lui convenir, je ne vais pas chercher plus loin.

Je repose le bouquin «travailler dans une ambiance saine » et regarde monsieur Cohen. Celui-ci sent mon regard sur lui et sort sa montre gousset. Il me fait signe de partir, sans même m’adresser la parole. Je commence à m’habituer à ce petit vieux plus à l’aise avec ses livres qu’avec les humains. Je le comprendrais presque…