Fragment #203 – Précautions

Vendredi 15 mai 2009
entre Villeneuve-Saint-Georges et Plombières-les-Dijon

18h42. La cohorte de jeunes gens franchit les murs d'enceinte du fort. Weekend oblige, chacun va respirer et souffler un peu hors de cet enclos. Certains traversent la rue pour monter, seuls ou à plusieurs dans une voiture garée en face, d'autres tournent à gauche pour prendre un bus déservant la région ; et moi comme la plupart de mes collègues, je continue sur ce trottoir. Nous nous dirigeons, suivant une colonne de plus en plus distordue, vers la gare. Là encore des chemins vont se séparer, mais là encore je suivrai le gros des troupes : direction la capitale pour prendre une correspondance.
Sur le quai, formant un cercle avec cinq autres pompiers, discutant de là semaine écoulée, j'essaie, mine de rien, de trouver Jess.
Je la repère enfin, soutenant de loin et un instant seulement, mon regard attendri.
« Quel connard ce type ! J'te jure la prochaine fois qu'il m'fait courir comme ça j'lui explose sa gueule.
- Ça sert à rien, tu gagnerais juste le conseil de discipline.
- Ouai. Mais bon. Heureusement que ma meuf m'attend ce weekend, il faut que j'évacue.
- Moi pareil, on a prévu de passer le weekend entier sur la plage.
- C'est vrai que t'habites en Bretagne toi. Il va pas faire trop froid ?
- Normalement non. Mais sinon on trouvera bien le moyen de se réchauffer.
- J'vois le genre. En tout cas la mienne je vais lui faire sa fête elle s'en souviendra. Et il faut que je révise un peu, parce que j'connais pas tout en anat'.
- Et toi Alex ? Tu dis rien.
- Quoi ?
- Ben qu'est ce que tu vas faire ce weekend ?
- Ah, euh, rien de particulier. Je rentre chez moi, et je vais me reposer.
- Paresseux va !
- Tiens voilà le train. »
Depuis ma descente du TER j'égraine des collègues ; certains sont restés à la gare, d'autres descendent au fur et à mesure des stations de métro. Tant est si bien qu'une fois arrivé gare de Lyon nous ne sommes plus que six. Un qui coure pour monter dans son train ; ça fait un de moins. Deux qui discutent en s'éloignant, leur quai doit être plus loin, je n'ai plus à m'en occuper. Il reste Medhi le marseillais, je l'apprécie de plus en plus. On est dans le même dortoir, il n'est pas très causant mais chaleureux, c'est un mec qui sait te remonter le moral avant même que tu te rendes compte que tu es train de le perdre. Ce qui fait cinq avec moi. La sixième monte dans le même train que moi. Même wagon.
Le TGV quitte la gare et accélère progressivement. Je me lève de mon siège, et traverse tout le wagon en vérifiant qu'il n'y ait personne de connaissance. Arrivé à l'autre bout, je pose mon sac dans le rayon au dessus des sièges et m'assois à côté d'elle.
« C'est bon. » Lui glissé-je à l'oreille, en posant la main sur la sienne.
Je l'emmène chez moi, en Bourgogne.