Altaïr
| Sujet: Fragment #537 - Sueurs chaudes 23.05.09 0:52 | |
| Vendredi 22 mai 2009 à Paris C'est une nuit d'été. Le soir embaume l'air de sueur et de cassis. Je marche dans cette rue, le sol est mouillé de flaques d'eau. Quartier pavillonnaire. Soir moite. Des orages ont éclaté ici. Je vois des enfants jouer devant un passage, une ruelle étroite entre deux maisons. Je m'engouffre. Des branches de cassis tombent en projetant un parfum humide, elles caressent mes cheveux. Bientôt, j'arrive dans une cour. Chez eux, les gens regardent la télévision, fenêtres ouvertes. Un jeune homme m'attend, élégant, les cheveux blonds. Il est un souvenir, il appartient au passé. Je le sais. A peine vingt-cinq ans. Peut-être un peu plus. Ou un peu moins. Il me tend la main, et me dit : « Je m'appelle Robert Arthur de Saint-Loup. Je t'attendais. Suis-moi à l'intérieur. » Sourire amical. Nous nous connaissons déjà. Il m'invite à descendre les escaliers de pierre qui mènent jusqu'à une cave, dont il ouvre la porte cadenassée. « C'est là que nous écrivons. Parfois. » J'entre dans la cave. Fumée. Odeur de cigarette. Des gens parlent autour d'une table mal éclairée. Je distingue des ombres, et les ombres murmurent entre elles. « Je veux qu'il souffre. - Pourquoi ça, Arthur ? - Parce que je vais mal. Parce que j'ai un poignard planté en plein coeur, Lisa. - Je suis désolée, mais il faut choisir. Ton indienne ou moi. - Lisa... - Et cesse de faire souffrir ce pauvre Julian, il n'y est pour rien si tu fais de ta vie un enfer. Nos personnages ne sont pas là pour ça. »
« Et ensuite ? - Je me suis réveillé. » Elisabeth me regarde au-dessus de sa tasse de thé. Nous sommes dans l'appartement de feu Robert Arthur de Saint-Loup Mahogany, mon grand-père. Elle semble absorbée par une rêverie passagère et délicieuse, un sourire aux commissures des lèvres. « Ton grand-père n'a jamais pu se décider, entre Shanti et moi. Il l'a épousée elle et m'a fait trois enfants. C'était un jeune homme torturé, d'une beauté fascinante. Il écrivait mieux que n'importe qui. Il a même publié un livre, mais celui-ci n'a pas eu de succès. Lorsqu'il vivait avec Shanti, il a acheté cet appartement pour que je continue à le voir en secret, c'était un peu sa garçonnière, tu vois. Quel succès il avait ! Avec le temps, et après la dissolution du Clan des Antiquaires, et le départ de Shanti, il a fini par s'y installer définitivement. » J'écoute ma grand-mère biologique me raconter l'histoire de Robert, et je m'imagine, dans quarante ou cinquante ans, parler de mes souvenirs aux fils et aux filles de Kokhavah. Si l'Enfer ne se dresse pas sur ma route d'ici là, peut-être serai-je encore en vie pour témoigner de tout cela. « Elisabeth, je dois te parler de quelque chose. Je sais que c'est dangereux, et j'ai peur, mais c'est trop important, je n'ai pas le choix. - Je t'écoute. - Récemment, j'ai été mêlé à des histoires abominables. Des choses qui concernent l'Enfer. - De ton plein gré ? - Non. - Continue. - Maya Sélim, celle qui tient la boutique d'antiquités, m'a dit que quelque chose risquait d'arriver à Robert très bientôt. - Tu penses donc qu'il aurait pu être assassiné. - Je ne sais pas, il était si vieux... - Qu'a-t-elle dit d'autre ? - Elle a dit que je pourrais reprendre la boutique des Quatre-Vingt Huit après sa mort. - Et elle a eu raison. Tu dois le faire. - Je ne veux pas être mêlé à l'Enfer, ni au Clan de Charly Malvo. - Mais tu n'as pas le choix, Julian, tu y es mêlé depuis bien avant ta naissance. Il y a quelque part un monde souterrain, et ce monde contient les réponses aux questions. - Où est ce monde ? Est-ce que c'est l'Agartha ? - C'est le secret de Charly, et le secret a été brisé en quatre-vingt huit pièces pour ne pas être retrouvé. Ce qui est enfoui ne doit pas être déterré. - Pourquoi ? - Pour préserver le monde et son équilibre. - Est-ce que ce rêve te parle ? - Les rêves sont des rêves. Pas des visions. Ils nous parlent de nous, du passé. Ils ne peuvent être interprétés que pour comprendre ce qui est déjà en place. Ce que nous savons et refusons de délivrer. Ils n'apportent pas de réponses concernant l'avenir, ils n'ouvrent pas les portes des mystères. - Mais ils nous les montrent. - Ils ne montrent que ce que nous savons déjà. Sous d'autres formes, plus obscures. - Qu'est-ce que je dois faire, Elisabeth ?... - Reprendre la boutique, ne pas lâcher Maya des yeux. Elle est notre plus grand atout, notre meilleure carte. Tu seras le lien entre elle et moi. - Je ne comprends pas... Est-ce que tu viendras demain, à l'enterrement ? - Non, je vais partir cette nuit. Très loin. Nous ne nous reverrons pas avant longtemps. » | |
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Tureïs
| Sujet: Re: Fragment #537 - Sueurs chaudes 23.05.09 1:48 | |
| Wahou ! Excellent, splendide, puissant. Ce n'est pas introspectif comme on en a l'habitude et pourtant on se prend au jeu. | |
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Procyon
| Sujet: Re: Fragment #537 - Sueurs chaudes 23.05.09 19:36 | |
| Je commence par dire que j'aime dès le début pour ne pas être incompris : Il y a un côté roman policier, ou un peu "les trois mousquetaires" sur la fin qui ne me déplait pas du tout. Immaginer Elizabeth en fuite me plait beaucoup ! | |
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Menkalinan
| Sujet: Re: Fragment #537 - Sueurs chaudes 25.05.09 10:46 | |
| Mais pourquoi fuit-elle ? Plus j'en apprends sur l'Agartha et le Secret, et plus j'ai envie d'en savoir plus... | |
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Mesarthim
| Sujet: Re: Fragment #537 - Sueurs chaudes 25.05.09 12:28 | |
| Moi aussi je veux en savoir plus! Assistera-t-on un jour à l'ouverture de ce monde? Où est-ce que ça mettrait trop en péril la loi de vraisemblance? | |
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #537 - Sueurs chaudes 25.05.09 15:26 | |
| J'aimerais bien qu'on y assiste, oui | |
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| Sujet: Re: Fragment #537 - Sueurs chaudes | |
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