Fragment #35 - Chevaliers des Parapluies

Et s'il pleuvait des parapluies... Des parapluies si petits qu'ils porteraient en eux le souvenir des petits pois de la sombre Dénaissance... Mais de toutes les couleurs, même des couleurs qu'on n'avait plus jamais vues depuis la Crise du Vingt-quatrième siècle... Des parapluies par milliers, de milliers, de milliers... Et qui tomberaient d'un ciel clair en dansant doucement dans l'air, se piqueraient à la surface d’ une épaisse neige attendrie par un soleil venu d'une autre saison... Et l'hiver se déploierait à l'aurore comme un carré de lumière, froissé... Et ce tapis de bonbons réveillerait les cœurs les plus endormis de la Dernière Cité...
« Quoi ? Ca fait une semaine que tu l’as reçue et tu me le dis seulement maintenant ?! »
Et Vous, Princesse, Vous naîtriez ce matin là, Vous changeriez le cours de l'Histoire.
« Et elle dit quoi cette lettre ? Je peux savoir ?! »
Ce fleuve déborde, Princesse, depuis que la maladie a touché la Reine de l'Amour.
« Non pas question ! C’est ton fils, s’il a besoin de thune démerde toi avec lui !!.. »
Et Votre Mère, Princesse, avant de mourir, trouverait la force de Vous donner le Secret. Et nous Vous appellerions Aurore, Princesse. Aurore des Parapluies. Et chaque année il en pleuvrait en Votre honneur, Princesse, et pour rappeler aux humains combien l'amour est rare et précieux. Et nous serions Vos serviteurs, Princesse. Nous serions les Gardiens de l'Amour. Nous serions les Chevaliers des Parapluies...
« Non ! Je ne veux pas le savoir !! »
C’est la voix de mon père qui fait trembler la nuit. Ca faisait longtemps qu’ils ne s’étaient pas engueulés maman et lui. D’habitude je ne me mêle pas de leurs problèmes, mais je n’ai pas plus choisi de les entendre que de me réveiller. Je m’accroche à ma couette avant de me retourner vers le seul objet qui ne dort jamais. Deux heure quarante-six. C’était quoi ce rêve de faux visionnaire encore...
« C’est - pas - mon - problème ! Tu peux comprendre ça non ?! »
Je m’assoie, attrape un t-shirt puis me dresse dans le froid de la nuit. Mon père crie encore.
« Ne me parle pas comme ça tu veux !! Tu sais très bien que je l’aurais fait pour Dimi... »
Je m’approche de la porte et l’entrouvre doucement. La haine et la colère attaquent immédiatement le silence de ma chambre, et j’entends la petite voix de maman...
« Je sais bien que ce n’est pas ton fils, mais c’est Romain quand même... S’il te plaît... Il a besoin de nous...
- Mais j’en ai marre de lui tu comprend ?! Même quand il est pas là il nous emmerde !... »
Alors c’est pour ça que t’es parti. Par contre je ne comprends pas pourquoi tu ne m’as rien dit. Ca ne change rien entre toi et moi, que nous soyons frères ou demi-frères... Alors pourquoi tu ne m’as rien dit...