Shedar
| Sujet: Fragment #36 - Un peu de terre noire 11.04.08 12:44 | |
| Lundi 26 novembre 2007 à Dijon « Et toi ? T’as réussi la bio cell ? - Pas vraiment... je rattraperai ça au prochain partiel. - C’est bien toi qui étais arrivé en dernier dans la promo ? T’étais loin sur la liste d’attente ? - Euh oui assez... Pourquoi ? - Nan rien c’est juste comme ça. J’y suis passé aussi avant d’être admis à l’IUT et quand l’autre débile est parti, pendant la troisième semaine de cours, j’ai eu un peu peur d’être le dernier... Alors c’est cool que tu sois là tu vois... Bon je me rentre. A une prochaine fois peut-être ! » Oui. A une prochaine fois peut-être. Connard. Paraît que cet autre débile comme il dit est retourné à en fac de bio après s’être fait viré d’ici. Finalement on s’est échangé un bout de vie sans se connaître. Paraît aussi qu’il a inventé le caractère triacide de l’ion oxonium. C’est ce que disent les autres. Doit être pour cela qu’ils l’appellent l’autre débile... Je ramasse mon sac, relis une dernière fois l’emploi du temps du lendemain et sors de là. Vite. Et puis dehors il fait froid, alors un peu plus vite... Malgré toute l’énergie que j’ai dépensée à enrouler mon écharpe le vent est parvenu à se frayer un chemin jusqu’à mon cou. Il est des jours comme celui-ci où tout autour s’efforce à vous fatiguer, à vous ralentir, à vous énerver. Où tout autour s’efforce à vous rappeler que la vie n’est pas facile, que la vie est un combat, que la vie et cætera. Je suis presque arrivé à l’arrêt quand le bus me passe devant. Il est des jours comme celui-ci où tout autour s’efforce... Il est des jours comme celui-ci où j’apprécierais particulièrement un bon chocolat chaud. Un de ceux que Michelle sait préparer mieux que quiconque, avec plus d’amour qu’il n’y a de nuages sombres dans ce presque ciel d’hiver prématuré. Le centre-ville. Je descends. Là-bas, à vingt mètres à peine, c’est le second bus que je dois prendre qui s’en va. Sans moi. Deux fois de suite c’est rageant. Il est des jours comme celui-ci où tout autour... Vivement demain. Si j’avais un ange gardien il aurait quelques bonnes anecdotes à raconter à ses copains anges gardiens. Ils rigoleraient bien tous ensemble... Mais si j’avais un ange gardien je ne raterais peut-être pas le bus deux fois de suite. Tant pis. Il est des jours comme celui-ci où j’aimerais avoir un ange gardien. Enfin arrivé. Je n’ai même pas trébuché dans l’escalier. Je m’y attendais trop peut-être. Faudrait que je change de porte-clefs, j’en ai marre de cette grenouille... J’entre. La porte du salon claque au même instant, tout le reste fait semblant de n’avoir rien entendu. De l’eau. Maman est dans la cuisine, les mains dans ses pots de fleurs, tremblantes. Un peu de terre noire sous chaque œil. Je sais pourquoi... Marre. Il n’y a pas que la grenouille... Passage éclair dans la salle de bain puis dans ma chambre, ma brosse à dents, le minimum vital et les cours qui traînent sur le bureau. De toute façon je reviendrai. C’est ce que j’écris sur un bout de papier avant de partir. Partir... Tenter d’enterrer tout ça, peut-être. Sous un peu de terre noire, à côté d’une fleur timidement recroquevillée dans l’attente de l’été... Parti. Le chat attend je ne sais quoi devant la maisonnette de Michelle. Il me donne froid. Je frappe doucement et entre. Ca sent bon. Ca sent le chocolat... comme si elle savait... « Bonsoir... - Bonsoir, comment ça s’est passé aujourd’hui ? - Ca va... Je peux rester dormir ?.. » | |
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