Fragment #111 - L'e-mail

Je referme mon Mac pour échapper à ce mail sans réussir à me soustraire à mes sentiments. Quelques lignes écrites à des kilomètres de là réussissent à me torturer, à me faire douter. L’été s’est déroulé tranquillement, rythmé par le travail, la torpeur estivale parisienne et les reins de Lilian. L’équipe du cabaret a changé, je fais maintenant partie des vieux et la sensation est assez agréable. Monsieur Cohen me laisse à présent sa boutique sans remords ni regrets, confiant en mes capacités de gardien du temple.
Aucune ombre au tableau, un été parfait somme toute, entre les apéros sur le pont des arts ou le canal saint-martin et les petits cafés matinaux place de l’Odéon, sans oublier les soirées place des Abbesses. Mes malaises ne sont plus qu’un lointain souvenir, qu’une rumeur lointaine et vague. Je me sens en pleine possession de mes moyens mentaux et physiques, en parfait accord avec moi-même.
Enfin, je me "sentais" plutôt…
Tout semblait parfait jusqu’à ce mail fatidique. Mais est-ce le mail qui gâche quelque chose ou bien met-il juste en évidence les lacunes de ce bonheur trop paisible ?

«  Coucou Maël,
Je ne sais pas si tu te sers encore de cette adresse et si tu recevras ce message, mais je tenais à t’informer de mon arrivée à Paris. J’emménage dimanche prochain rue au maire dans le troisième, afin de suivre des cours de droit à Assas. J’aimerais beaucoup te revoir…
Donne moi vite de tes nouvelles…
Elyan. »

Mon cœur palpite un peu plus vite, ma vie me semble soudain moins certaine, je devrais pourtant savoir que le passé finit toujours par nous rattraper.