Shedar
| Sujet: Fragment #52 – Intemporelle oasis 11.04.08 13:04 | |
| Lundi 7 avril 2008 à Dijon « Qu’est-ce qu’il y a ? - C’est là. » Elle m’avait promis que ce n’était pas loin. Ambre m’a fait traverser toute la ville, à pieds, sous le vent le froid et même la neige d’avril, juste pour me montrer un square. Le grand écart des âges. Des rases-moquette boudinés dans leurs manteaux doudounes et écharpes, et des papys bien callés au fond de leur banc. « On n’aurait pas pu prendre le bus ? - Non ça pue le bus. Profite de ces rares flocons de neige, tu prendras le bus un autre jour, espèce de citadin. » D’accord. Espèce de mini-Michelle. A droite il y a comme des vieux gradins de pierre, tachés d’un peu de lichen, et un plan d’eau sans eau entourant une effrayante statue ; à gauche ce square ni grand ni petit et quelques enfants dégageant autant de bruit que s’ils étaient cent ; devant nous quelques bancs délabrés et une brochette de retraités, délabrés eux aussi. « C’est le square Clemenceau. J’aime bien venir ici. C’est comme une oasis. » Je dégaine mon regard sceptique. « Regarde les arbres ! » J’avais oublié les arbres. « Imagine que l’été ils font de l’ombre sur l’eau et les canards, et qu’il y a encore plus de mamans et d’enfants et de papys… Et… Et puis derrière y a l’école maternelle Clemenceau, c’est là que j’allais. La maîtresse s’appelait Nicole, je l’aimais bien… Et puis surtout c’est dans ce square que Michelle nous emmenait jouer tous les trois avec Romain. Mais ça j’ai pas l’impression que tu t’en souviennes, n’est-ce pas… - Euh, non… Je me souviens qu’avec Romain on allait jouer sur l’ours Pompon, mais comme j’étais déjà assez grand pour monter dessus ça devait être un peu après… - Ok. Tant pis… - Je suis désolé… » Soudain je perçois une petite larme brillante dévalant timidement la joue d’Ambre. Elle se tourne face à moi, me regarde une seconde, l’essuie puis se jette dans mes bras. Elle ne m’a pas tout dit. « Ambre… ça va ? - Pour la première question que tu m’poses, t’aurais pu en choisir une plus facile, me chuchote-t-elle avec un faux sourire. - … Je dois aller travailler… - Attends. Encore un peu. » Elle me sert un peu plus contre elle et je ne sais quoi faire d’autre que la même chose. Le temps s’arrête une minute. Il ne fait plus froid, le vent s’est endormi, les enfants ne font plus de bruit. « On y va ? On prend le bus comme ça peut-être que tu seras pas en retard. » Ambre a retrouvé sa pêche. Si tu ne m’en dis pas plus la peau de ce fruit seras longue à transpercer. | |
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