Fragment #118 - Soirée entre amis

J’essaime des baisers sur sa peau de nacre tandis qu’il se mire dans la glace. Il ajuste quelques mèches de manière superflue. J’aime le geste de sa main qui balaye nonchalamment ses cheveux. Son regard pétille de satisfaction et des éclairs de lumière éclairent sa pupille d’un sourire intérieur. J’aime sa masculinité travaillée, sa démarche souple et pourtant pesante, la façon qu’il a de mettre sa veste : un mouvement souple, naturel, fluide.

« Tu sais on va juste boire un verre avec une amie, c’est pas un défilé.
- Pour qu’elle se dise que tu sors avec un boudin ! Tu veux rire. J’ai l’air d’un gueux à tes côtés.
- N’importe quoi ! »

J’ai passé l’après-midi avec Lucie, à flâner sur les quais, et à visiter les bouquinistes du côté d’Odéon. Badauds parmi les badauds. Le temps doux, la conversation, l’atmosphère nonchalante ont fait de ces instants des moments volés bien que ma nouvelle vie d‘étudiant me promette d‘autres instants parfaits. C’est autour d’un café que je lui ai parlé d’Elyan, comme ça, naturellement. Cette folle a sauté sur l’occasion pour nous proposer une sortie ce soir, ce qui m’a plutôt fait plaisir sur le coup.
Par contre, convaincre Elyan de la rencontrer a été beaucoup plus difficile que je ne l’imaginais. Monsieur avait d’autres plans : regarder la télé…
Ça me fait bizarre de sortir avec lui pour le présenter à Lucie en tant que petit ami. Je ne suis même pas certain qu’il se considère comme tel…

Nous descendons les escaliers et nous dirigeons vers le marais. Évidement, Lucie curieuse de voir le quartier gay a insisté pour que nous nous retrouvions devant l’hôtel de ville. L’idée ne m’enchante guère, surtout l’éventualité de voir des mecs draguer Elyan. De plus je m’inquiète de l’impact de cette révélation sur notre relation, je ne veux pas être l’ami pédé.
Déjà, je sens les regards l’effleurer, le caresser. J’attends le moment où il va y répondre d’une manière ou d’une autre, par un de ses sourires coquins ou par un air hautain. Mais non. Il continue de me parler de ce foutu prix Nobel de la paix accordé à Obama pour des prétextes politiques. Je sens sa main se glisser dans la mienne et son pouce agacer ma paume.
Nous arrivons place de l’hôtel de ville, Lucie nous repère et se dirige vers nous, un grand sourire aux lèvres. Ses cheveux s’agitent sous le vent tandis qu’elle s’approche de son pas de danseuse.
« Bonsoir, moi c’est Lucie.
- Bonsoir, Elyan.
- Alors comme ça il parait que toi aussi tu te lances dans le droit ? On va pouvoir monter un cabinet d’avocat à nous trois ! »
Elle rit de sa bêtise et je sens Elyan se détendre. Lucie l’harcèle de questions : comment on s’est connu, pourquoi il a reprit contact avec moi, comment j’étais en tant que surveillant ? Je prête une oreille attentive à ses réponses, curieux de savoir comment il perçoit ces choses.
Elyan répond avec franchise et bonne humeur, son regard rit, sa bouche sourit et sa main quitte la mienne pour mieux pouvoir répondre à ce lutin que je lui présente. Il est à l’aise. Cette fille pourrait dégivrer un glaçon, elle m’a d’ailleurs décongelé. Elyan s’allume une cigarette et j’en profite pour faire de même malgré la promesse que je me suis faite d’arrêter à nouveau.. Mais le temps est à la détente et non à la lutte.

Lucie m’adresse un clin d’œil en passant tandis que nous nous dirigeons vers le marais-cage.