Fragment #119 - Droit et compagnie

L’atmosphère est studieuse, le silence règne dans la bibliothèque Sainte Geneviève. Les gens travaillent avec cette application soutenue, que rien ne dérange. Certains ont des Ipods vissés sur les oreilles, d’autre tapotent sur leurs ordinateurs, mais la plupart sont plongés dans les ouvrages mis à disposition par l’établissement. Le lieu est tout simplement unique, on se croirait dans ces bibliothèques américaines avec leurs tables en noyer, les petites lampes vertes individuelles, le sol en marbre et les plafonds de dix mètres de haut. Tous les murs sont couverts de rayonnages qui montent à plus de trois mètres, il parait qu’il y a plus de deux millions de volumes.
J’essaye de comprendre mon cours de droit fiscal tout en aidant Elyan avec ses premières fiches de jurisprudence. Cependant, je ne peux m’empêcher de laisser mes yeux se promener sur les autres étudiants. La bibliothèque est un repère de beaux gosses et même si je suis plutôt insensible à leur charme, rien ne m’empêche de profiter de la vue.
Lucie quand à elle s’arrache les cheveux sur un arrêt de la cour de cassation, mais le cœur ne semble pas y être. Elle guette en permanence son téléphone.
« T’attends un appel ?
- Non, je regarde juste l’heure, je ne vais pas tarder. De toute manière je ne suis plus en état de penser.
- Moi non plus à vrai dire.
- On pourrait se faire un Mac do ? »
Elyan nous regarde plein d’espoir. C’est vrai qu’il est dix-huit heures trente et que nous nous sommes rejoint à quatorze heures.
« Non désolé, je vais rentrer chez moi ce soir.
- T’es sûr ?
- Oui, ça fait un bail que je n’ai pas vu Lilian. Il faut que je lui parle.
- De quoi ? De nous ?
- Entre autre. »
Elyan me regarde, soupçonneux et je vois dans son regard briller une étincelle de jalousie. Lucie assiste à tout ça en rangeant ses affaires.
« Je vais ranger les bouquins, on se rejoint en bas dans cinq minutes ?
- D’accord, à toute. »
Nous restons tous les deux, silencieux, gênés.
« Ça fait une semaine que je dors chez toi non stop. J’ai besoin d’un peu de solitude et toi aussi d’ailleurs.
- Mais non. Je vais m’ennuyer si tu n’es pas là. Je ne me suis pas encore fait d’amis.
- De toute manière tu n’as pas terminé le document six et sept, je pense que ça va t’occuper un bout de temps. »
Il répond à mon sourire par un soupir. Je sais que ces fiches sont une horreur absolue en première année, mais elles sont nécessaires à l’apprentissage du mode de pensée juridique. Il regrettera dans quelques années le temps béni des fiches… Je n’ose pas lui dire qu’elles ne constitueront qu’une partie de ses introductions dans les années à venir.
Nous sortons et nous dirigeons vers le boulevard Saint Michel, en silence, l‘humeur est plutôt morose car la journée a été longue et difficile. J‘ai pour ma part l‘impression que mon cerveau danse la gigue tout en essayant de sortir par mes oreilles. Le temps est frais et nous nous séparons sur la ligne quatre.
Enfin seul…