Fragment #120 - Prémice à un diner

Les assiettes sont recouvertes d’une serviette, le pain est sa place ainsi que la carafe d’eau. La table est mise pour trois personnes et mes invités ne vont pas tarder. Dans la cuisine, une délicieuse odeur de tarte monte lentement. Je veux que ce repas soit parfait.
Sur la table basse, trois verres et un assortiment d’alcool et de gâteaux apéritifs. Lilian doit arriver avant Elyan, question de bienséance. Je veux qu’il sente qu’il est ici chez lui et qu’Elyan est un invité, peut-être particulier mais un invité tout de même. La discussion d’hier a été plus facile que ce que je croyais même si Lilian sait bien cacher ses émotions. J’espère qu’il ne faisait pas semblant de bien le prendre, mais il ne semblait pas particulièrement attaché à moi. Ce qui en soit est assez vexant.
L’ascenseur s’ouvre et mon colocataire en sort, dépose son sac sur le plancher et me fait la bise.
« J’ai fait au plus vite, tu as besoin d’aide pour quelque chose ?
- Non, tout est prêt. Elyan arrive dans vingt minutes, si tu veux on peut faire une partie de Wii.
- Non, je préfère prendre une douche. A tout de suite. »
Il s’en va rapidement dans sa chambre tandis que je retourne surveiller le repas. Quelques minutes après, alors que je passe dans le couloir pour aller me changer, le bruit de la douche se fait entendre.
Est-ce que je suis dégueulasse de lui imposer ça ? De toute manière je ne lui impose pas, c’est lui qui a proposé cette solution. Il a raison, il est mon colocataire et mieux vaut que cette situation soit éclaircie le plus rapidement possible, qu’aucune ambiguïté ne reste.
Alors que je sors la tarte du four, les portes de l’ascenseur laissent passer Elyan. Il a dû prendre des heures à se coiffer et s’habiller car je ne l’ai jamais vu aussi beau.
« Te voilà déjà ?
- Si tu veux je repars. »
Le ton est un peu amer. Lilian nous rejoint et tend la main à Elyan sans réellement le regarder.
« Bonsoir.
- Salut. »
Le ton d’Elyan est assez sec, presque mal aimable. Je lui lance un regard agacé en espérant qu’il fera un effort mais il s’assoit dans le canapé sans attendre et pioche dans les amuse-gueules.
Lilian le regarde puis s’assoit en face, sur le fauteuil club. Je m’assoit aux côtés d’Elyan et lance en essayant de dégivrer l’atmosphère :
« Bon ! Vous prenez quoi les garçons ?
- Un Whisky coca.
- Un jus d’orange s’il te plait.
- Bien messires. »
Lilian me regarde servir les verres tandis qu’Elyan ne se gène pas pour le dévisager. La situation devient de plus en plus gênante et je ne sais pas comment arrondir les angles. Si Elyan continue à se conduire de manière aussi déplacée, je risque de m’emporter contre lui. Peut-être est-ce ce qu’il cherche.
« Alors comme ça tu es en première année de droit ?
- Oui c’est ça et toi ? Il parait que tu as redoublé plusieurs fois ta médecine et que tu fais maintenant des études d’infirmier ?
- Oui. »
Elyan se détourne ostensiblement de Lilian pour m’adresser la parole :
« Au fait, j’ai eu un sms de Lucie, elle nous propose d’aller au cinéma demain voir le dernier Fassbinder : Querelle.
- Je ne sais pas, on verra demain. Ça te dirait Lilian ?
- Oui, j’ai rien de prévu demain soir et je comptais aller le voir. »
Lilian adresse un grand sourire à Elyan. Je crois que le ton de la soirée a été donné.