Fragment #3 – Panic Room

Je me passe de l’eau sur le visage et me fixe dans le miroir. Je me souris. Je ne sais pas combien de temps cela fait que je suis ici, mais finalement je m’en moque. Le seul truc qui me dérange c’est que mon petit mec ne soit pas passé depuis hier midi.
Peut être qu’il prépare sa robe de mariée…
Je me retourne. Le soleil du début de matinée rebondit sur les draps mauves. Je devrais faire mon lit. D’un côté, je sais que ce n’est pas la chose la plus importante à laquelle penser, là, tout de suite. Mais j’ai cette envie urgente de remettre la couette droite, tapoter les oreillers. A part dormir, je n’ai pas grand-chose à faire, ici.
Ma main gauche caresse les murs de moquette bleue. Les mêmes murs que ceux de mon enfance, chez mamie, quand Jed, Ariane et moi, nous… Je retire ma main. Ouvre mes yeux à nouveau, et efface une larme à peine naissante. Etre fort. Ca ne pourra pas durer indéfiniment. Tom n’a pas de nouvelles, il va sûrement prévenir quelqu’un. Jed finira bien par savoir, et venir me sauver.
Inspecter. Inspecter la chambre et peut-être trouver un moyen de sortir. Je n’ai pas envie de me marier. Pas tout de suite.
La porte est fermée à quadruple tour, les fenêtres impossibles à ouvrir. La fente des volets qui fait entrer la lumière matinale n’est pas à ma portée. Il a pensé à tout.
Et moi, je n’ai même pas eu l’idée de lui demander son prénom, son signe astrologique, n’importe quoi qui nous donnerait à penser que nous ne sommes pas faits l’un pour l’autre.
A travers les murs, j’entends la télévision, et l’eau de la cuisine couler. Le soir, il fait des machines. L’incessante vibration fait cogner l’objet contre le mur de manière répétitive.
Hier soir, n’arrivais pas à dormir.
Et je pensais, je pensais, je pensais.
Soudain, j’ai un flash. Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ! Quel idiot !
Mon portable.
Situation d’urgence, la première chose à faire, appeler le 112. Non j’avais mieux à faire, à m’imaginer dans l’allée centrale de l’église au bras de mon père…
Je farfouille dans mes poches, et tombe sur le petit rectangle noir, symbole symétrique et parfait de notre progrès.
Dommage que le progrès n’inclue pas des batteries à la charge infinie.
Alors que je compose avec précipitation le numéro de Tom, la petite batterie en haut à droite clignote désespérément, et l’appareil s’éteint.
Me laissant face à face avec un petit bout de plastique noir et fragile sans aucune utilité.