Lundi 9 novembre 2009
à Paris
7h14. Je sors en baillant de ma chambre. Je n'ai pas dormi de la nuit, bien que je sorte de quarante-huit heures de garde. Laura est sortie de la salle de bain. Elle déjeune en se séchant les cheveux. Je m'assois en face d'elle. Je la fixe et elle comprend qu'il faut qu'elle éteigne l'appareil.
« Désolé, je ne voulais pas te réveiller.
- Ne t'inquiète pas, je ne dormais pas.
- T'as des soucis ?
- Tu peux me corriger ça s'il te plait ? » Lui dis-je en tendant la feuille de papier que j'ai trainé depuis ma chambre.
« Qu'est-ce que c'est ? » demande-t-elle en commençant de lire. Soudain elle lève les yeux.
« Alex, tu ne vas quand même pas... T'en a parlé à maman ?
- Non.
- Et aux frangins ?
- Non plus.
- Je ne veux pas prendre la responsabilité de corriger ça. Tu te rends compte de ce que ça implique ?
- Si tu ne le corrige pas je l'envoie comme ça. » Elle tire la feuille un peu plus vers elle, la plie en deux et la met dans se poche.
« Je te fais ça dans la journée, mais attend qu'on en discute ce soir avant de faire quoi que ce soit. T'as de la chance que je sois pressée. J'espère au moins que tu as une bonne raison. Allez, donne-moi mon manteau. »
Elle se lève, termine son verre d'eau, enfile le manteau que je lui tend, va chercher son sac à main et sa sacoche. Elle prend juste le temps de déposer un baiser sur ma joue chaude et honteuse, avant de quitter l'appartement pour se rendre à son bureau.
Je retourne me coucher, mais ne trouve pas le sommeil. Le jour se lève dehors, mais je reste enfermé sous la couette, volets fermés. De toute façon, ma décision est prise, je vais donner ma démission. Je veux faire autre chose que pompier. Je en sais pas quoi, je sais juste que je veux faire autre chose, j'en ai mare du sang, de la bile et des boyaux. J'en ai mare des ascenseurs, des animaux, et des accidents de la circulation. J'en ai mare du feu, de la fumée et de la chaleur. Et surtout j'en ai mare de ces cauchemars qui bouffent mes nuits. Je ne sais pas comment ma passion à pu devenir une hantise. Ces deux derniers jours ont été un calvaire. J'ai eu beaucoup de mal à me refaire au rythme insoutenable, aux blagues vaseuses de mes collègues trop passionnés pour voir que ce qu'ils font est dégueulasse. De toute façon j'ai envie de quitter Paris. Ça me travaille depuis que Jess' m'a quitté. Soit disant que j'étais insupportable. Elle oubliait que j'étais plâtré. C'est normal d'en avoir de ne plus bouger, forcément j'étais énervé, et forcément je parlais mal, et donc forcément elle m'a pris en grippe et m'a quitté. La garce. Je n'étais pas si insupportable que ça. Ma sœur s'en est bien accommodée elle ; c'est sûrement que Jess ne m'aimait pas autant qu'elle le prétendait.
Ma décision est prise, une fois que j'aurai démissionné, je veux quitter ce monde.