Mardi 22 décembre 2009
entre Paris et Dijon
10h56. « Laura donne moi ta valise, on va louper le train.
- Attend j’ai oublié mon écharpe marron.
- T’étais obligée de prendre tout ça ?
- Et toi ?
- Moi je ne reviendrai pas. »
Je descends de la ligne 1, dernière correspondance de métro, en courant. Un sac devant, un sac dans le dos, et une valise dans chaque main. Je me retourne de temps en temps pour vérifier que Laura suit. Elle glisse sur ses talons. On dirait une biche trainant un boulet. D’un côté son sac à main bien plein mais peu lourd, de l’autre le dernier de ses sacs, massif et imposant. J’en rirais presque si on n’était pas à moins d’une minute du départ du train. Elle me double pendant que j’oblitère les billets, les portes se referment juste derrière moi.
Je souffle enfin. Elle est penchée en deux, les mains sur les cuisses et souffle bruyamment. Elle relève la tête et se met à rire aux éclats. Je la suis dans cet élan d’enthousiasme. Nous sommes là, tous les deux avec notre rire de soulagement entouré des trois sacs et quatre valises. J’empile tout dans les rangements prévus à cet effet et nous allons nous asseoir.
« Je te laisse la fenêtre.
- Merci.
- N’empêche qu’avec tous ces retards de train il a fallu que le notre soit à l’heure.
- C’était le jeu, il ne fallait pas passer autant de temps dans la salle de bain.
- Je voulais me lisser les cheveux avant de partir. Tu m’imagines, avec cette humidité, j’aurais frisé comme un mouton. »
Les paysages défilent. Je ne sais pas ce que je vais trouver là où je vais. Partout on voit des résidus de neige. Tout est en train de fondre. Tout doit disparaître un jour. C’est l’ordre normal des choses. Est-on obligé de les quitter ?…
Je ferme les yeux, bercé par le ronronnement des roues sur les rails. Laura s’est déjà endormie sur mon épaule, je l’aime ma sœur. Normalement mes frères rentrent jeudi matin pour fêter Noël en famille avec nous. Je ne les ai pas encore mis au courant de mon projet. Je leur ai seulement parlé de mon souhait d’arrêter l’armée et les pompiers. Pour Pierre c’est une abomination de gâcher une telle chance, pour Thomas en revanche j’ai raison de suivre mes envies, mais je dois faire attention à ne pas le regretter plus tard. Les deux m’ont conseillés de bien réfléchir.
Les paysages défilent moins, vite. Nous entrons en gare de Dijon. Je vois ma mère sur le quai. Retour là où tout a commencé.