Fragment #15 - Amours, surprises et fantasmes

9h. Je suis arrivé vendredi soir, je n’ai toujours pas vu mes parents. On va fêter l’anniversaire à Isabelle aujourd’hui. La confrontation avec les parents peut donc se produire. La folle journée d’hier va m’aider. Ce moment passé avec Elliott m’a détendu et relaxé, à un point tel que j’ai l’impression d’être devenu intouchable. C’est fou ce que le sexe est apaisant. On devrait en faire une thérapie pour les dépressifs.

Mes parents sont au rez–de-chaussée, en train de faire à manger. Je les entends, ma chambre est juste au dessus de la cuisine. Hanna y est aussi. Inutile d’essayer de les épier, je sais qu’ils parlent de moi. Elle doit être en train de les monter contre moi.
Je reste enfermé dans ma chambre, à travailler des croquis. Je réfléchis à mon nouveau projet : le tryptique.

12h. Mes parents nous appellent, Isabelle et moi, pour manger. Comme à l’accoutumé, ma sœur découvre dans son assiette ses cadeaux d’anniversaire, principalement de l’argent, dans une belle carte. J’aurai aimé la fabriquer moi-même, pour éviter de faire rentrer cette fête dans cette perversité commerciale mais je n’ai pas eu le temps. Isabelle paraît surprise, comme d’habitude, elle cache bien son jeu. Mais ça fait plaisir aux parents.
J’aimerais tant descendre un jour avec Isabelle, voir ma mère et mon père portant chacun un plat et étant habillés « à l’ancienne », en respectant scrupuleusement les bonnes manières. Voir leurs visages effarés lorsqu’ils verraient leur fille, Isabelle, se pavaner avec les cheveux en batailles, des têtes de morts en guise de boucles d’oreille, une croie de Satan en pendentif, des chaines pendouillant de tous les côtés, une jupe et un débardeur beaucoup trop courts et, la cerise sur le gâteau, un piercing sur la langue. A côté, je serais habillé comme un punk, les cheveux vert ou rouge, avec une crête, un débardeur ultra moulant et des bottes de militaires. Isabelle assommerait Hanna pendant que je monterais sur la table pour tout renverser. Une fois descendu, Isabelle prendrait la nappe et la tirerait d’un coup sec pour essayer de laisser debout les rares verres ayant survécu à mon cataclysme. Elliott rentrerait, habillé de la même manière que moi, et nous nous embrasserions goulument devant mes parents. Ah ! Quel plaisir cela me procurerait de jouer cette scène.
Au lieu de cela, Isabelle finit d’ouvrir ses cadeaux et nous nous mettons à table.

Nous mangeons sans un bruit, c’est assez tendu. Mes parents se sont torturés l’esprit à mon sujet, ça se voit. A la fin du repas, juste avant de remonter dans nos chambres respectives, ma mère nous lance :

Pendant ce temps là, mon père ne dit rien, mais il fulmine. Je pense que c’est de ma faute. J’en ai rien à faire, il doit l’accepter, il n’a pas le choix. Je ne changerais pas pour lui.

Bizarrement l’annonce de ma mère ne me fait même pas froid dans le dos. Apparemment ça à l’air grave. Même si je lui porte une meilleure estime qu’à mon père, pour moi elle est morte le jour où il a fallu la chouter de médicaments pour qu’elle puisse tenir une journée entière.