Fragment #18 - Le pied !

Aujourd’hui, pas question de manquer les cours sous prétexte que j’aménage mon nouvel appartement. J’ai tendance à me laisser aller ces derniers temps. Il faut que je fasse attention.
Ce matin, j’avais envie de changer mes habitudes vestimentaires. Mettre un débardeur bien moulant, sous une veste en faux-cuir violette et une cravate autour du cou. Ensemble accompagné d’une paire de lunette de soleil, en plein mois d’avril, et d’une coupe de cheveux en bataille. Le tout complété par un jean, juste assez près du corps pour voir mes formes. Troué sur l’arrière, laissant quelques centimètres carrés de ma fesse droite à l’air. Juste assez grand pour se rendre compte que je ne porte pas de sous vêtements. Oui, ce matin j’avais envie de sortir comme ça. Juste pour choquer, pour être ridicule sans doute, mais aussi pour habituer les gens dans la rue à voir autre chose que du politiquement correct. C’est en sortant de chez moi que je me rend compte que cet accoutrement me fermera les portes de l'école. Dommage, je me change.
Il n’empêche que j’ai envie de jouer. De m’amuser avec les autres, être le salaud ou le trompé. J’ai envie d’en envoyer de toutes les couleurs, d’exciter les passants, de m’envoyer en l’air. Je pense à Elliott, puis à Mickaël, et je ne sais plus quoi penser.

On nous demande à l’école de créer un « projet minute ». Le thème ? Le politiquement incorrect. A croire que les dieux sont avec moi. Je sens que je vais m’amuser. Le délai, assez court, rend tout le monde assez stressé. Même Juliette s’affaire. Je suis en face de mon calepin et j’imagine, je me laisse emporter par mon esprit. Je gribouille des « projets minute ». Mathieu vient me voir :

- Alors comme ça, tu as déménagé ?
- Oui.
- Tu penses faire quoi pour ce projet surprise ?
- Je ne sais pas.
- Je pensais faire quelque chose autour de l’homosexualité. Je me suis dit que, depuis que tu as changé de bord, tu avais peut être pas mal d’idées ou de clichés là-dessus. Peut être que j’aurais pu t’en piquer une. Tu es pas mal imaginatif d’habitude.

- Comment tu es au courant de ça ?
- Je t’ai entendu en parler à Juliette l’autre jour. Tu parlais de sexualité et de prendre son pied. Enfin bref, c’est pas mes oignons hein ? Bon ben, t’as pas l’air d’avoir un tuyau pour moi là, alors bonne chance à toi Mais si jamais tu as besoin de quelque chose ou d’un coup de main, tu sais où me trouver. A plus tard.

- Mathieu, attend !

- Je viens de penser à un truc pour lequel tu pourrais m’aider. En fait, c’est pas vraiment une aide, c’est plus un échange de… plaisir.

- T’as raison de A à Z Mathieu. Je suis gay et ça fait trois jours que j’ai pas eu de relation sexuelle. J’en ai très envie maintenant alors si ça te dit suis moi.

Arrivé aux toilettes, sans parler, on s’enferme dans un cabinet. Je l’embrasse. Je suis assez violent. A vrai dire, j’ai envie que cette scène se passe vite. C’est plus ce qui se passera après qui m’intéresse. Je lui enlève son t-shirt et lui mordille le téton gauche. Je descends de plus en plus bas. Je défais sa fermeture éclair et lui enlève son jean. Il est debout, dos contre le mur, dans la cabine des WC. Je ne perds pas de temps, je lui enlève son boxer qui moule un engin plutôt bien monté. Mathieu n’en peut plus, je le vois bien. J’espère qu’il ne m’en voudra pas de ce que je m’apprête à faire.
Je frôle de ma langue son pénis, histoire qu’il ne soit pas venu pour rien. Je lui demande de s’assoir et de se masturber. Je sors mon appareil photo, ouvre la porte des cabinets et prend en photo cet homme. Je prends soin de ne pas prendre sa tête et de me positionner au raz du sol, pour donner une impression de hauteur. La photo en noir et blanc obtenue est très bien. Content de mon travail, je pars, comme si de rien n’était, laissant Mathieu seul et étonné sur ce trône. Je remonte dans ma salle de cours et m’installe sur un ordinateur, au fond de la pièce, de manière à ce que personne, en passant derrière moi, ne puisse voir ce que je fais.

Quelques minutes plus tard, Mathieu remonte, gêné. Il est tout penaud. Je ne sais pas ce qu’il pense mais, à vrai dire, pour le moment, son avis m’importe peu. Je suis très excité par ce que je fais.
Je retouche la photo que je viens de prendre sur photoshop et l’assemble avec une autre photo : celle de mon pied, en noir et blanc.

Le final est très bien : on distingue très nettement un homme en train de se masturber. Sauf qu’il ne tient pas son pénis à la main mais une cheville surmontée d’un pied imposant. Je suis content et arbore fièrement ma joie lorsque je donne ce projet minute, intitulé prendre son pieds, à mon professeur.
Je sors de la pièce avec mes affaires, sans même prendre la peine de consulter l’avis du professeur. Ça fait aussi partie de ma démarche artistique : le politiquement incorrect. Je regarde du coin de l’œil Mathieu, qui a aperçu mon travail et qui fulmine de colère.
Je claque la porte et m’en vais.