Fragment #24 - L'Histoire de ma mère

Deuxième jour à Ravilloles. Il est midi, mes parents m’appellent pour manger. Nous ne sommes que trois aujourd’hui.
Nous n’avons jamais trop parlé d’histoires d’amours avec mes parents. Je suis leur seul garçon, je me dois d’être fort et viril pour perpétuer leur nom et leurs gènes. Il ne faut pas me sensibiliser avec ce genre d’ânerie. Pourtant, mes parents se sont mis à faire la cuisine tous les deux, dès neuf heures ce matin. Ma chambre étant juste au dessus de la cuisine et les fenêtres de ces deux pièces étant ouvertes pour laisser rentrer la jeune chaleur printanière, j’ai facilement pu entendre leur conversation. Ils ont l’intention de me sensibiliser et me parler d’âneries aujourd’hui.
Je descends. Je commence déjà à prendre sur moi. Parler de ça avec eux ne me gêne pas mais je ne sais pas quel comportement adopter.
Je suis déjà étonné que ma mère ait décorée la table. D’ordinaire, elle ne fait que le repas. Ca la fatigue déjà bien assez. Selon les docteurs, elle a des problèmes hormonaux couplés à une maladie orpheline, dont le nom, aussi bizarroïde que coutumier, m’a échappé. Elle a une malformation des globules rouges. Ses muscles sont mal alimentés en oxygène. Par conséquent, elle fatigue très rapidement. Elle ne fait pas grand-chose à la maison à cause de son état. De plus, elle a quelques problèmes psychologiques. Il s’agit de la famille Lilithe quand même. Comment aurait-on justifié l’antipathie d’Hanna sinon ? Elle s’est fait renier par sa famille plus jeune. Ses parents ne voulaient pas d’elle. Elle a donc été élevée par sa grand-mère mais a subit pendant longtemps les lourds sarcasmes de mes grands-parents. Forniquer n’a jamais été une bêtise. Alors pourquoi mettre la faute sur maman ? Aucune idée. Encore un mécanisme incompréhensible, typique des Simon, ma famille maternelle. Bref, son enfance et sa jeunesse a été fortement mouvementées avec eux. Aujourd’hui, elle est dépressive. Elle est entrée dans un cercle vicieux. Elle qui, sur des photos plus jeune, était très belle et digne des plus grands mannequins, est devenue grosse et moche. La dépression l’a fait entrer dans une phase de non-activité, couplée aux naissances de mes sœurs et de moi-même. Cela l’a fait énormément grossir. Son poids augmentant sans cesse l’a encore fait déprimer, ce qui l’a plongée dans une seconde phase de non-activité… Elle n’est jamais sortie de cette boucle. Elle me fait beaucoup pitié. Je me demande même si cela ne l’embête pas qu’on vienne la voir lorsque nous sommes libres. Cela l’oblige à se prendre en main et à être présentée convenablement.

Elle m’attend à table. Mon père est à sa gauche. Il est totalement différent de ma mère. C’est un grand routard, rêveur et idéaliste. Il aime les grandes et fortes amitiés. Il en est même très riche. Je me demande bien pourquoi ils se sont mis ensemble.

Je m’assois à côté de ma mère. Elle pose sa main sur la mienne et me dit :


Ce très bref discours venant de ma mère ne m’étonne pas, elle me l’a déjà dit. Ce qui m’étonne le plus, c’est le grand sourire qu’affiche mon père. Son attitude à beaucoup changée par rapport à la dernière fois. Intrigué, je renvois un sourire à mes parents et commence à manger, sans rien dire, ce plat préparé avec amour.