Alioth
| Sujet: Fragment #3 – Les beaux cons 11.04.08 15:38 | |
| Mercredi 9 avril 2008 à Paris Il a dit qu’il viendrait avec deux amis. Gays. Au téléphone, il n’a pas pu trop le remarquer (même si l’on entend facilement les grimaces, un sourire, etc.), mais je me suis mordu la lèvre. Pourquoi Malik va-t-il venir avec deux autres personnes ? Cela fait un an que nous ne nous sommes pas vus et nos retrouvailles seront partagées avec des gens que je ne connais pas. Je suis un peu irrité. Je suis irrité depuis que j’ai mis le pied dans le RER qui m’a ramené chez moi en fait. Il fait froid. Je me suis peu couvert, trop habitué aux chaudes soirées de Floride et je grelotte un peu. Deux filles passent près de moi et me dévisagent. Et sourient. Je porte une chemise Versace noire proche du corps et qui laisse deviner mes muscles secs, et un pantalon de toile noir. J’ai froid. Quand arriveront-ils, lui et ses amis gays ? Je sors une cigarette de ma sacoche et l’allume. Pourquoi avoir précisé qu’ils étaient gays d’ailleurs ? Malik a toujours pensé qu’il devait me présenter des gens. Frisson. Je porte la cigarette à mes lèvres. J’inspire longuement, le temps que la fumée s’installe bien dans mes poumons. Il se prend pour une agence matrimoniale ?
Quelqu’un me tape dans le dos. Je me retourne, c’est Malik. Il est encadré de deux garçons d’une vingtaine d’années, cheveux ébouriffés, tous les deux vêtus de la même manière quasiment. Ils sont beaux, certes, mais ils m’ont l’air un peu bête et suffisant. Ils me regardent avec de grands yeux qui semblent me dire : « Hum, toi je t’aurais ! ». Malik me prend dans ses bras et m’étouffe. Malik a toujours été très tactile et je suis sans arrêt très gêné. On s’embrasse. Il s’exclame qu’il est heureux de me revoir enfin, que j’ai un teint superbe, que je suis si beau, que ça lui fait tellement plaisir et m’assassine de questions. Alors la Floride, les mecs, le cinéma, les yachts, les nanas en rollers, c’est vrai, comment ça s’est passé, tu as beaucoup baisé... ? Je fais oui, je fais oh, je hoche la tête. Je dis que j’ai faim. Les deux autres garçons rient, mais ne disent rien. Lèvres épaisses, torses glabres dévoilés par des t-shirts cols en V largement ouverts. Une pensée fugace : envie de les niquer. Puis je hausse les épaules. Nous marchons. En passant devant chez Angelina, la tête me tourne. Malik parle beaucoup, mais je ne l’écoute pas. Je suis content de le revoir, mais je suis aussi très agacé. Je suis agacé parce que ces deux garçons qui l’accompagnent me font envie alors qu’ils sont horripilants, avec leurs manières, leurs façons de montrer qu’ils sont au-dessus de tout, leurs moues faussement boudeuses. J’ai envie de gerber. Je me retiens. Place de la Concorde et les lumières, les voitures, les embouteillages, le bruit, la tête qui me tourne encore et toujours, de plus en plus vite. En fait, je comprends que je suis en manque. J’ai pris de très mauvaises habitudes en Floride, lors des soirées très branchées. On avance à deux à l’heure. On remonte les Champs Elysées et nous nous arrêtons devant le restaurant. Un voiturier prend les clés d’une BMW et s’en va la garer quelque part. Nous foulons le tapis rouge qui mène à l’entrée. A l’intérieur, une musique genre Hôtel Costes, passe partout, et du rouge, des tables espacées, des gens bien comme il faut, des femmes avec des robes largement ouvertes sur une poitrine brillante de diamants. Et des sourires aux dents bien rangées et blanches. Les rires ne sont jamais excessifs. Il va falloir que je me tienne et je n’aime pas ça. Nous rejoignons le serveur qui nous indique une table. Je m’appelle Amaury, je dis à l’un des beaux cons. Jean-Pascal, fait-il. Ca m’aurait étonné… Et donc vous vous connaissez d’où, Malik et toi ? Le genre de questions qui m’agacent, mais qui sont inévitables quand on ne connaît pas la personne. J’explique. Il touche ses cheveux. Je n’aime pas Jean-Pascal. Le menu entre les mains, je ne sais pas quoi choisir. Je regarde Jean-Pascal tenir sa carte du bout des doigts, la tête haute, impérieux et je me mets à rire. Malik me regarde. Qu’est-ce qui te fait rire ? Il y a quelque chose de drôle ? Euh, non, non, MOU-AH je prendrais bien les coquilles Saint-Jacques de Lauzun en coque lutée, non ? Tu prends ce que tu veux, mais tu n’es pas obligé de crier. OU un homard GRILLE, mousseline de cocos de Paimpol, ça sonne bien ça PAIM-POL, à la sauce diable au beurre de thym Caneton, QUATRE-VINGT-CINQ euros. Malik hausse les épaules. Je regarde la blonde à la table à côté de moi, me penche et lui murmure à l’oreille : ça fait quoi de payer quatre-vingt-cinq euros un homard qui mesure peut-être, quoi, vingt-cinq centimètres ? Elle me regarde. Je vous demande pardon ? Ah, non, ce n’est pas TOI qui payes ! Elle semble outrée et moi je reçois un coup de pied sous la table. Rires de Malik. Désolé, dis-je à la demoiselle. C’est que je trouve que les homards sont si grands, n’est-ce pas ? Je montre l’aquarium au centre. Elle fait oui de la tête, mais ne parle plus. D’ailleurs, je ne suis pas certain qu’elle sache dire quoi que ce soit. Ce sont les hommes qui font la conversation, tandis que les blondes se contentent de sourire. Je regarde aux alentours : la configuration est un peu toujours la même, un homme qui parle, une femme qui rigole, un homme qui parle, une femme qui rigole. Jean-Pascal : nous sommes allés voir un spectacle appelé Nightshade, un concept de Dirk Pauwels, où des stripteaseurs se mettent en scène, mais vraiment rien de pornographique, plutôt conceptuel. Une femme qui rit. Malik : Ah oui ? C’est original. Une femme qui rit. Jean-Pascal : oui très. J’ouvre la bouche : je crois que je vais aller, enfin, veuillez m’excuser, dis-je. Je pose délicatement ma serviette et me dirige vers les toilettes. Large pièce avec deux fauteuils, des reproductions de photographies, dont une immense représentant une femme immergée dans une toile de soie noire, blanche et bleue, une table basse en métal avec des magazines Vogue placés en éventail. Ce ne sont pas des toilettes, on dirait une salle d’attente d’un grand médecin ou le salon de la Hollyhock House. Debout, j’ai du mal à tenir. Je pisse assis. Il y a une petite tablette et je dépose un sachet rempli de coke que je commence à aligner à l’aide d’un flyer pour une soirée à l’Etoile. Je me regarde dans le miroir et je me trouve moche. J’essuie les traces de poudre au coin de mes narines. Je rejoins la table quand ils sont en train de parler d’une femme qui a ramassé des plumes de flamands roses en Camargue et qui a eu l’idée de les coudre sur des sacs en forme de coquillage et maintenant elle vend cela presque deux cents euros. Pas excessif, selon Jean-Pascal. Je ne l’aime vraiment pas. Les deux beaux cons terminent leur marmelade de Yuzu au gingembre et j’essaie de me concentrer sur le prix que nous allons payer bientôt. Comme dit la carte : un délicat compromis de richesse et de complexité… | |
|
Alsciaukat
| Sujet: :) 23.04.08 15:31 | |
| Arf mais quelle idée d'aller se fourrer là-dedans... C'est bizarre, cet univers un peu guindé où il arrive et fait un peu tâche... Pourquoi ne pas faire des trucs qui l'intéressent ? | |
|