Sargas
| Sujet: Fragment #7 - Le visage du Mal 11.04.08 21:14 | |
| Lundi 9 avril 2007 à Lille Mes yeux me font mal. Pleurer me fait du mal. Ma gorge est irritée de mes cris de douleurs et de mes plaintes. Qu’ai-je fait, mais mon Dieu qu’ai-je fait ? Elle pleurait et moi j’ai fui. Agnès que t’ai-je fait ? Pourquoi ? J’ai beau fouiller ma mémoire, les vapeurs d’alcool et ce réveil chaotique m’empêchent de trouver une piste à suivre dans le labyrinthe de mon cerveau. Mes mains enserrent ma tête et je la serre de plus en plus, pensant peut-être extraire des souvenirs ou des indices. Rien à faire. En moi montent la frustration et la colère qui découlent de cette ignorance. Mes larmes coulent abondamment et la boule coincée dans ma gorge cherche à passer de force. Je ne peux rien faire. Ma tête ne m’obéit plus. Je suis pris de tremblements incontrôlables qui secouent mes membres comme des feuilles mortes au vent. J’arrive avec grand peine à me lever de mon lit. J’y ai passé le reste de ce dimanche et une partie de la nuit entre crises de larmes, interrogations et assoupissements. Je fais quelques pas en direction de mon salon mais je m’effondre, mes jambes se dérobant, et surtout écrasé par le poids de ma culpabilité. Me voilà à genou, une partie du corps appuyé contre un mur ainsi que mon visage. Si elle me voyait. Si elles me voyaient. Non. Ne pense pas à ça ! … Trop tard…Son regard me fixe. Je lui ai fait du mal, je le sens. Je l’ai déçue. Si elle savait comme je l’ai déçue. J’ai abandonné Suzanne pour elle mais je me suis vautré dans les draps d’une autre. Non non non !!! Comment ai-je pu ? En moi, mes tripes se retournent. Une acidité remonte le long de mon œsophage et vient brûler mon palais. La réaction est immédiate. Un spasme violent me contraint à desserrer les mâchoires et ma bile se répand sur le sol. Mon estomac gronde et me fait comprendre qu’une autre sortie se prépare. Dans mon corps se propage l’annonce de cette nouvelle rébellion de mes entrailles et chaque muscle se met en route pour me conduire à la salle de bain. J’avance en longeant les murs, mes jambes incapables de me soulever sans aide. Je sens la bile me brûler intérieurement, et j’ai la sensation d’une acidité qui se creuse un passage dans mes veines, dans mes artères pour atteindre mon cœur et le ronger. Le regret est une chose bien douloureuse. La conscience aussi. Mais j’assume mes actes même si je ne m’en souviens pas clairement. J’ai conscience du mal que j’ai fait et cela m’emplit d’une haine destructrice envers ma sale personne. Nouveau spasme. Cette fois ci je vomis dans le lavabo. Mes membres sont parcourus de frissons et malgré les grosses gouttes de sueurs qui perlent de mon front, j’ai froid. Je suis secoué de plus en plus par ces frissons et je me rends compte que la température n’est pas la cause de tout ceci mais la colère qui reprend encore une fois le dessus. Je croise mon reflet dans le miroir au dessus du lavabo et cette vision agit sur moi comme une aiguille plantée en plein cœur. Ma main se projette sans mon accord vers cette glace qui explose sous le choc. Comme dans les films mon reflet explose et je me retrouve dispersé sur des centaines de petits bouts. Je sens un mince filé tiède couler entre mes doigts. Je regarde mon sang perler et les petits sillons emplis de sang et de bouts de verres. Mon être bascule dans la démence et ma main attrape tout ce qu’elle peut et le renverse au sol. Flacons de parfums, d’après rasage et autre tube de dentifrice ou médicaments se retrouvent au sol, balayés par cette main destructrice. Je regarde ces effets tomber sans aucun regret. Je détruis Damien. Je me détruis, monstre que je suis. Dans le salon, tout objet pouvant être brisé l’est. Les cadres avec les photos, les bols qui traînent, les verres, la télécommande de la télé, le peu de bibelots, tout explose sous le coup de ma rage et de mon envie de détruire ce qui est moi ou le représente. Cette sourde colère qui m’avait envahie la semaine dernière se donne entière à ce massacre. Mes pieds nus piétinent les restants tranchants éparpillés sur le sol mais je ne ressens pas la douleur et mes mains sont couvertes de dizaines de déchirures et je me régale à la vue de ce sang qui coule, du mal qui s’écoule de mes veines. Ma rage sort aussi par mes cordes vocales. Dans ma démence, des cris et grognements s’échappent et donnent le ton. J’arrive face au mur où se trouvent mes meilleures photos. Mon corps s’arrête et je contemple ces portraits d’inconnus, les images de reportage pour le journal et aussi les photos personnelles. Mes doigts se transforment en griffes et arrachent du mur les photographies sans concessions, sans tendresse mais avec désir d’en finir avec moi et ce qui me fait. Il y a des morceaux de papiers partout sur le sol. Les tirages sont perdus et ils ne restent que quelques morceaux reconnaissables. Epuisé, je m’agenouille dans le tas au bas du mur et regrette déjà amèrement mon geste. Les larmes continuent d’affluer mais la colère semble s’être dissipée. Je suis vidé. Je regarde autour de moi. Peu de choses ont échappé à ma folie. Dans les débris, un visage se détache. Une photo d’elle gît sur le sol. Elle est intacte, le cadre seulement ayant été brisé. Je caresse son visage sur la photo du bout des doigts qui étalent mon sang dessus. Je serre la photo contre mon cœur qui explose sous la douleur. Les cris ne sortent plus, ni aucun son d’ailleurs et je suis en boule me resserrant autour de cette photo, minuscule représentation de l’être tant aimé et absent. | |
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Tureïs
| Sujet: Re: Fragment #7 - Le visage du Mal 02.02.09 3:28 | |
| J'aimerais savoir ecrire des fragments aussi prenant. | |
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