Alsciaukat
| Sujet: Fragment #9 - Bizutage 11.04.08 21:58 | |
| Mardi 12 septembre 2006 à Tours
Je ferme les yeux tandis que le jet d’eau m’atteint encore une fois. J’en ai marre, vraiment marre. Je n’ai qu’une envie, c’est de me lever, d’aller chercher mon sac qui doit être je ne sais où dans le fond du bar, et de partir en marchant sur tous ceux qui ne se pousseront pas assez vite. Seul problème, si j’essaie de faire ça, je sais que je me ferai physiquement rabrouer, et même si leur casser la gueule ne me poserait personnellement pas de problème, je crois qu’eux y verraient suffisamment un inconvénient pour que je n’en ressorte pas indemne non plus. Je suis trempé. Une fille dont je me suis efforcé d’oublier le prénom, mais que je sais pourtant nommée Jeanne, à cause d’une capacité que j’ai à retenir tout ce qui me tombe sous la main, revient vers « sa » place, si tant est qu’on puisse appeler place un espace sur lequel les autres élèves de ma classe se sont refermés sous la « compression » des 3/2 et autres 5/2, vieux élèves se permettant d’effectuer un bizutage, sous le prétexte qu’ils en ont subi un, et que peut-être ça leur a plu. Je sais en tout cas que ce n’est pas mon cas, ni celui de la plupart de mes voisins qui maugréent en douce pour ne pas se faire plus arroser qu’ils ne le sont déjà. Jeanne passe non loin de moi, et j’observe la forme de ses seins sous son tee-shirt plus qu’humide. Un désir s’élève brièvement en moi, vite refoulé par la vue du visage de la donzelle. Non qu’il soit spécialement laid ; simplement, je ne puis me dire que j’ai du désir pour quelqu’un. Le corps seul m’attire, la personnalité me repousse et me révulse. Mon nom est appelé. Je reste immobile, mais constate rapidement que mes « camarades », pour ceux qui par miracle ont su aller jusqu’à mémoriser mon identité, ne tarderont pas à me dénoncer si je poursuis dans cette entreprise. Le visage fermé comme une pierre, je me redresse, et entame la marche du condamné vers la chaise, sous les jets des pistolets à eau qui font grandir encore ma colère et ma haine pour ces inconnus. Quand j’arrive au niveau du « bureau », comme ils l’appellent, constitué du président et d’autres membres, je sens que mon tee-shirt a encore avalé quelques litres de liquide, ce que je ne croyais plus possible. Une redoublante de seconde année, une 5/2, me dit de m’asseoir sur la chaise. Je m’y assois, et aussitôt elle se met à pousser des cris, qui se perdent dans l’ambiance de toute façon extrêmement tumultueuse du lieu. Elle m’ordonne de me mettre à genoux sur la chaise, et non assis sur les fesses. Je lui susurre qu’on dit alors « agenouiller », et non « asseoir. » Elle éclate de rire malgré mon air mortuaire et crie au blasphème, à la rébellion, et m’arrose en plein visage. Je n’en peux plus, je saisis le pistolet et lui arrache des mains, avant de le balancer dans la mer des visages de mes condisciples. Ca ne change rien, ceux qui m’ont vu rient encore plus, disant que je suis un « rebelle » et d’autres conneries du même acabit. Les autres ne se sont même rendu compte de rien, tant le bordel est omniprésent dans la pièce. Seule la fille a vu l’étincelle de haine dans mes yeux, et me regarde avec un air dégoûté. Je lui adresse un sourire méchant pour confirmer ses craintes. J’ai hâte que ce soit terminé. | |
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