Alsciaukat
| Sujet: Fragment #18 - Déjà fini 11.04.08 22:28 | |
| Mercredi 27 septembre 2006 à Tours « Il ne reste qu’un quart d’heure, vous pouvez bien attendre ! » Je ne réponds rien. Je fais face à Jérôme qui s’est retourné d’un air surpris quand j’ai demandé si je pouvais y aller, et plante mes yeux dans les siens, lui faisant rapidement détourner le regard. Peu de gens peuvent supporter ce que j’ai au fond des pupilles, et qui n’est probablement que la violente haine qui me consume en permanence pour la majorité de ce qui n’est pas moi. Ce matin, le professeur de Sciences de l’Industrie non plus n’a pas pu y résister. Comme je le fixais tandis qu’il parlait, il ne cessait de me jeter des coups d’oeils rapides, tout en restant proprement incapable de se confronter vraiment à moi. Au lieu de quoi il retombait dans cet humour stupide et facile auquel il tente de nous accoutumer, sans guère de succès. Il a du lire le mépris que j’avais pour lui, et n’a pu le supporter, parce qu’il voyait combien c’était justifié. Ma haine n’est pas vraiment définissable. Je sais seulement qu’elle est justifiée, et je déteste plus encore ceux qui peuvent penser que j’ai tort, que ce n’est que de l’immaturité, comme je l’ai parfois entendu dans mon dos, ou bien que ce n’est que passager. Ca ne l’est pas. Je suis ainsi ; les autres sont ce qu’ils sont, et le resteront. Je ne peux qu’être dégoûté de tout cela. En attendant, je pousse un soupir et pose mes mains à plat sur ma copie. Je ne me suis pas relu, parce que je ne supporte pas de le faire. En revanche, j’ai souligné tous les titres et encadré les résultats. J’observe les autres élèves durant la fin de l’épreuve. Eux écrivent encore, les sourcils froncés, la plume crissant rapidement sur le papier. Je me laisse bercer par ce son que j’apprécie. Dehors il fait beau. Il ne fait pas trop chaud. Finalement, je serais presque bien, si j’oubliais que je me trouve en salle de devoir. Si j’oubliais qu’au lieu d’avoir mon mercredi après-midi chez moi, j’aurai à partir d’aujourd’hui au moins trois heures de contrôle toutes les semaines, que ce soit en mathématiques comme aujourd’hui, ou en physique, ou, plus rarement, en d’autres matières. Mais je ne pense plus à ça et ferme les yeux, et rapidement ce fichu sourire que je ne puis effacer gagne mes lèvres, sans arriver à gâcher mon humeur devenue bonne. La sonnerie retentit. Je finis de ranger mes affaires, posément. D’autres, autour, essaient de gagner du temps, continuent d’écrire. Certains, résignés, jettent sans y faire attention leur attirail de taupin dans leur sac, pour sortir le plus vite possible de cette salle où l’ambiance est trop au travail. Quand je me lève pour partir, Jérôme, qui passait à côté, ralentit, m’adresse un visage jovial un peu timide. « Alors, ça s’est bien passé ? Tu as fini tôt ! » Je le regarde sans répondre, le visage fermé, et, totalement contre ma volonté, mon sourire revient. Il est teinté d’ironie, mais l’autre ne peut s’en rendre compte. Il attend une réponse quelques secondes, lance un dernier « hein ? », puis s’éloigne, se disant sans doute que je n’ai pas compris ce qu’il a dit. Je n’aime pas Jérôme. Il est très sérieux en classe, mais n’a l’air de rien comprendre malgré son attention permanente. La prépa n’est pas faite pour lui. Je me dirige à mon tour vers la sortie. Au passage je croise Alexandre, le chien de Marie, qui me jette un regard terriblement mauvais. Je lui souris, presque franchement, et sort. | |
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