Altaïr
| Sujet: Fragment #210 - La hija del sol volvera un dia 11.04.08 23:39 | |
| Samedi 21 avril 2007 à Dijon Sol est partie. Hier elle a laissé un mot chez moi, un simple mot, comme ceux que laissait Laura. Ces mots qui n’ont pas besoin d’être dépliés pour que je les comprenne. Sol est partie hier. Pour Buenos Aires d’où elle ne reviendra pas. Je m’assieds sur le lit qui s’affaisse un peu à mon contact. Le matelas est fatigué, l’accablement m’envahit. Je n’ai plus la force de sombrer, de pleurer, de me déchirer. Un peu comme si j’avais déjà trop souffert. Je n’ai que vingt ans, je ne veux pas pleurer. Le Julian-Terre, plein d’aridité, ne le permettra pas. C’est lui qui, en cet instant, détient le contrôle de mon Moi. Le mot est dans mes mains, c’est un petit bout de papier tout sec, sans larme dessus. Car aucune eau puisée en moi n’effacera de ma chair et de mon esprit le symbole gravé par la femme hiéroglyphe. Soledad. Hija del sol.
Je n’ai pas le temps de me plonger en moi même pour y touiller la noirceur décantée. Le Dionysos m’attend, mon patron m’attend, mon travail m’attend. Pas le temps non plus d’aller parler à l’Efta, qui s’est connecté ce matin. Bien que l’opportunité soit rare, bien que je souhaite vraiment découvrir son identité, il me faut partir. Alors je descends les escaliers de mon immeuble, traverse la place Grangier, me dirige rue Amiral Roussin. L’astre lion dans le ciel me rappelle le souvenir de sa fille, la belle Soledad aux cheveux d’or liquide. N’y pense plus. Il y a encore des travaux derrière la place de la Libération, mes pieds se tordent sur les cailloux mis à nu. J’ouvre la porte du bar et savoure la fraîcheur brassée par les ventilateurs. Michelle confie à Louis le panier repas qu’elle a confectionné ce matin, puis s’en va en m’adressant un sourire. Un instant, j’oscille dans le regard bleu et doux de la vieille dame. « Salut votre seigneurie, lance Louis en me serrant la main avec sa poigne puissante, comment vas-tu aujourd’hui ? » Je me dirige vers la cabine en grognant pour ne pas avoir à répondre. « Il va falloir assurer ce soir, poursuit Louis avec gravité, avec les travaux au Saint Fiacre, on va encore récupérer toute la petite clientèle bourgeoise-bobo qui s’y entasse d’habitude le samedi soir. » Le Saint Fiacre, c’est l’ennemi. Le seul bar pas très loin du Dionysos qui puisse tenir la comparaison. Les habitués y ont entre quatorze et dix-huit ans, des cheveux longs et faussement décoiffés, des habits impeccablement à la mode, et suffisamment d’argent laissé par papa-maman pour se payer tout ce qu’ils veulent en une soirée. Pourtant le Saint Fiacre est un bar qui ne paye pas de mine ; à croire que la simplicité attire les riches. Voilà ce qui t’attire dans le Dionysos, alors… La ferme, moi je ne suis pas – Tu es certainement plus aisé que n’importe lequel d’entre eux. Plus maintenant. Mais tu finiras par craquer, aller pleurer chez Papa pour récupérer de l’argent et ton cher petit « temple du sommeil ». Tu ne seras pas assez fort pour le quitter. La ferme ! Cette voix en moi, le souffle de Maya qui court dans mon cerveau et balaie ma mauvaise foi, ne s’éteindra-t-elle donc jamais ?
Et demain, demain il faudra voter. Bien sûr, j’ai fait mon choix. Je sais ce qui compte le plus à mes yeux, je sais quelles valeurs je veux défendre. Ma voix sera mon arme. | |
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