Fragment #16 - Veni vidi resti

Une semaine s’est écoulée, cinq jours. On ne s’est pas vu, pas une seule fois en cinq jours, différant nos entraînement par nécessité plus que par envie. Mais si elles s’en souviennent, les vagues vous diront combien de fois pour ma belle je chantai. Et aujourd’hui j’attends la fin du cours, il est 9h47.
9h48 sur ma montre digitale.
Puis 9h49 à la pendule.
C’est la sonnerie qui marque les 9h50. Alors ma table se vide à mesure que mon sac se remplit. Le temps d’une écharpe et d’une veste, de deux fois dix marches, d’un bout de couloir, et me voilà fonçant à l’arrêt de bus. Elle sort aussi à 10h00 en ce samedi 11 novembre. Sauf que Carnot et Montchapet ne sont pas vraiment à côté, alors je me dépêche pour être a l'heure.
Au pas de course je vous prie ! Eh ouais, que ne ferions nous pas pour notre chère et tendre !! Le souffle haletant, c’est à 10h12 que j’arrive devant les portes du plus beau lycée de Dijon. J’aime ces portes, surtout quand une Annabelle de toute beauté complète le décor. Elle ne s’attend pas à ma venue. Je la surprend donc, par derrière, en pleine conversation avec deux copines. Mes mains se faufilent dans son tee-shirt, après avoir détourné furtivement la garde de son gilet.
Horreur, c’est à peu près ce à quoi se résume son cri.
« Mais t’es malade !! »
Je viens juste d’enlever mes gants, je ne peux pas avoir les mains froides !! Que se passe-t-il ? Aurais-je mal compris notre relation ?
Alors elle salue du regard ses amies, et m’entraîne a l’écart. Me dis qu’elle ne veut pas qu’on s’affiche ensemble - ferais-je honte ? - Que ce n’est pas de ma faute - ouf- et que pour l’instant elle s’attend à ce que je respecte son choix. Alors sans réfléchir. Sans penser à ce qu’elle me demandait vraiment, j’accepte, lui répond que de toute façon je ne suis rien sans elle, et patati, et patata…
Comme nous marchons, nous arrivons place Darcy, sans qu’aucun de nous ne s’y attende.
Serait-ce pour fuir le regard des autres ? Elle m’invite chez elle. Je fais connaissance avec sa mère, ses parents sont divorcés. A midi et demie nous descendons manger. Risotto au carottes. A peine le dessert avalé, une délicieuse petite pomme partagée avec elle, nous retournons nous enfermer dans sa chambre, dans notre intimité. Je n’ose pas poser de question, nos mains ont en une semaine perdu le goût qu’elle avaient pour se balader. Mais nos mots prennent tout à coup plus de sens. Ils se changent en échos qui nous reviennent plus fort et plus construits. Nous passons l’après–midi à discuter sur son lit. A six heures et demie, Nathalie (sa maman) monte me dire au revoir, puisqu’elle sort, avec un ami (plus qu’un ami d’après Anna.) voir un film. Et s’attend à ne plus me trouver là en rentrant. Manque de pot, à peine commençons nous à nous dire au revoir, à demain en quelques sortes, que nos mains se mettent à ne plus se décoller ; ne se séparant qu’une fois étant sûres que le nouveau sujet de conversation pouvait durer. Et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’ils rentrent. Un réflexe plus qu’une envie, et me voilà caché sous son lit.
Vu les bruits de la chambre voisine, je ne suis pas le seul homme à profiter des charmes des filles de la maison. Nous nous endormons, elle dans mes bras, moi la serrant très fort.