Procyon
| Sujet: Fragment #17 - Echangeons nos costumes 12.04.08 1:11 | |
| Samedi 18 novembre 2006 à Dijon Il est midi moins cinq. Ca sonne à midi moins cinq le samedi à Montchapet. Il est même midi moins cinq passé de quelques secondes, puisque j’ai déjà descendu les escaliers en compagnie de Lilian qui me parle du cours que nous venons de suivre sur les exponentielles, je n’étais pas concentré, ou pas assez, et j’ai besoin de quelques précisions, qu’il a tout de suite accepté de me faire partager. Nous marchons, c’est long le chemin jusqu’à la sortie. Nous parlons, c’est simple à comprendre, il suffit d’écouter un minimum, ses mots, je les comprends, il parle le même langage que moi. C’est un garçon, c’est un ado en fin de puberté, c’est un être sensible avec qui je partage énormément de choses, depuis début septembre. Il m’aide en math, je lui rends la pareille en philo. Les exponentielles, deviennent plus intéressante, d’une bouche qui ne nous est pas insupportable ! On passe devant mon arrêt de bus, il s’arrête, pour attendre avec moi, car il n’a plus beaucoup de trajet, il habite à deux pas du lycée. On parle de nous, je lui confie a nouveau mes inquiétudes, je me confesse en quelques sortes. Il est le curé sur son banc, et moi je le regarde de haut lui faisant de l’ombre, pour éviter qu’il ne soit ébloui par le soleil dans ses yeux. Tout à coup il se met à sourire, il n’y a pourtant rien de drôle dans ce que je viens de lui dire. C’est vrai, je n’ai pas vu Annabelle depuis le week-end dernier, pas un coup de fil, ni rien, pas un contact, j’avais promis de la laisser prendre ses marques, réfléchir sur nous, mais pour une fois que je suis heureux, ça me pèse. « Retourne toi » me dit d’un geste le visage toujours souriant qui est en face de moi. Je m’exécute. Eblouissement. Une nymphe sort des rayons du soleil, et me regarde. Je la contemple. C’est ma gymnaste. Elle est là face à moi, et moi sous mon arrêt de bus. Annabelle. Sans un regard sur la rue, elle traverse cette jungle urbaine, au risque de se faire tuer. Se jette dans mes bras. Elle se jette dans mes bras, et je ne suis plus là ; transporté, évanoui, évadé, je ne ressens plus rien que son cœur qui bat dans ma poitrine. Plus qu’un partage, plus qu’une mise en commun des sentiments. Des sensations poussées à l’extrême. Tout le stress, la tension, l’inquiétude, disparus d’un coup, d’un seul. Je ne vois plus qu’à travers le blanc de ses yeux, ne respire que dans son souffle ; il y a en nous comme la fusion de deux être, comme le partage de nos chairs. L’exaltation la plus profonde de nos sentiments, de ses sentiments, des miens. Un vide absolu, une légèreté intense m’envahit, et à chaque fois que mon esprit semble redescendre au ras du sol, comme un renvoi par trampoline, comme une bouffée d’hydrogène, il se relève dans les airs. Ces heures n’ont duré qu’un instant, ces émotions n’ont été qu’impressions. Ce bonheur n’était que mien, que sien, que nôtre. Je suis le plus heureux des hommes en cet instant. Le bus arrive, je salue Lilian, attrape ma dulcinée, la porte comme si ce fut le jour de nos noces, et la hisse dans notre carrosse. Cendrillon et son prince charmant rentrent et passent l’après-midi ensemble. Nous nous félicitons mutuellement du pas qu’elle vient de sauter en elle. Nous sommes heureux tout simplement ; comme deux amoureux, comme deux amants. | |
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