Procyon
| Sujet: Fragment #21 - Oreiller douillet 12.04.08 1:15 | |
| Dimanche 3 décembre 2006 à Plombières-lès-Dijon Rien ne me dérange dans la plénitude de mon sommeil. Je profite de chacune des secondes qui rythment ma vie. Et surtout celles qui font mon week-end. Je suis seul à la maison pour deux jours. Mes frères sont à Paris comme toujours ; Laura n’est toujours pas revenue depuis sa dernière apparition. Les parents son partis dans le Morvan en amoureux dans la maison de campagne familiale ; celle où avaient brûlé ces photos, où j’avais fait sur ordre de mon grand père disparaître ces hommes, ces femmes. Ils n’y a plus aucune trace d’eux, comme s’ils n’avaient jamais existé. Je suis seul. Moi j’existe encore, je vis ces instants de tranquillité. Je profite du calme pour passer ma journée au lit, comme je le faisais avec Annabelle. Je ne suis pas seul pour autant. Ma conscience est là. Nous discutons, traitons de sujets et d’autres, varions les positions. Mon lit est un recueil sur lequel s’inscrit mon esprit. Il est, indolent compagnon, le frère dont je ne pourrais jamais me passer. Je pense à Lilian, et notre amitié. Je n’ai rien à y changer. Je songe à ces années déjà écoulées, si peu d’années, pour autant de souvenirs. Si je pouvais j’en changerais bien quelques uns qui ne me mettent encore pas assez en valeur. Je peux. De toute façon personne ne viendra me dire que je n’ai pas le droit. J’ai tout les droits sur mon esprit. Cependant pour ne pas induire le futur en erreurs, je lèguerai seulement mon corps à la science. Que feraient-ils de mes mémoires, sinon rire des souvenirs d’un vieux fou ? Je veux être vieux et fou. Vivement que je sois vieux ; et surtout vivement que je sois fou. Je veux voir le monde avec d’autres yeux. Mettre un peu de piment dans ma vie, tenter une expérience sans retour. Voir ma mort, serait impossible. Et si je me contentais de voir la mort de mon âme ? Je veux être fou, pouvoir parler de la mort comme un vécu et m’en réjouir. Surtout m’en réjouir. Je veux être fou, j’aspire à l’être. Naître une seconde fois. N’être que le double de moi-même. Et si les schizophrènes étaient des philosophes incompris ? Si je ne peux pas être fou, alors plus tard je travaillerai dans un asile et étudierai ces chanceux, avec autant d’attention qu’il m’en est permis, qu’il m’en est possible. Si on me laisse être fou, je ne veux sous aucun prétexte être dérangé. Ne pas perdre un instant de cette douce vie. De cette nouvelle vie qui me sera offerte. Je veux être fou sur mon oreiller. Seul dans mon bonheur. Je veux être fou sur mon oreiller. | |
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