Procyon
| Sujet: Fragment #27 - Hadock et cadeaux 12.04.08 1:22 | |
| Lundi 25 décembre 2006 à Plombières-lès-Dijon 3. 2. 1. JOYEUX NOEL !!! Un cri familial et collectif. Tous en chœur. Comme chaque année, comme chaque Noël. L’effervescence se met en place à son rythme, c'est-à-dire plutôt rapidement. On fait mine de rien, mais chacun met un point d’honneur à terminer son assiette le plus rapidement possible. En une dizaine de minutes, le traditionnel sanglier aux baies rouges de ma mère, qui avait été servi il y a peu disparaît de la table. Il n’y en a plus trace, et chacun se met à saliver quant à la suite. Non, le fromage n’est pas attendu ainsi, c’est le moment des cadeaux. Se souhaiter un joyeux Noël, c’est bien, mais sans cadeaux, ça l’est moins. Alors comme depuis une quinzaine d’années, je suis le préposé aux cadeaux. On joue, en fait, à distribuer les cadeaux un à un, les uns après les autres, et toujours dans cet ordre. Un puis un : que chacun puisse profiter de voir ceux des autres. Ainsi, lorsque des gens arrivent, chargés de leurs paquets, on les numérote un par un, en mettant également le numéro dans une boîte, on tire chacun notre tour, et mon travail, comme le plus jeune de toute la famille, est de retrouver et de distribuer les cadeaux attitrés. Alors je me lève, prends mon air le plus grave possible, malgré l’excitation qui m’envahit comme elle emplit tout le salon ; et tend la boîte contenant la cent cinquantaine d’étiquettes numérotées, à ma Laura. Elle l’a bien mérité. C’est son cadeau pour être revenue parmi nous. C’est notre rituel. Elle commence, on ouvre le bal. Les danses s’enchaînent, les cadeaux virevoltent, entre ébahissement et gêne. Un pas sur le côté, c’est pour l’oncle Georges ; 72, déjà l’an passé c’était pour ma mère. J’enroule autour de mon cou l’écharpe que ma cousine vient de m’offrir pour continuer la distribution. Qu’ils sont pauvres en Afrique, que ces petits papiers auraient de la valeur pour eux. Mais qu’importe, au diable l’avarice ; on rit, on chante, on s’émerveille. On demande des adresses. Une brosse à cheveux pour ma grand-mère. Laura a un livre de Camus. Puis un deuxième. Je crois qu’elle les a déjà lu, mais elle sourit et remercie vivement. C’est ça Noël. Mon cinquième cadeau n’est pas marqué de sa provenance, ce n’est pas le premier, je le découvrirai bien en l’ouvrant. Il y a juste un beau papier bleu brillant, comme je n’en ai pas encore vu. A part dans les magasins. Je le déchire comme un autre, je suis pressé… La boîte est vite ouverte, il n’y a à l’intérieur qu’une petite figurine d’un personnage de Tintin dont je ne me souviens plus du nom. Elle est abîmée, mâchée on dirait. Je relève les yeux, prêt à rire aux éclats pour cette farce , assurément ç’en est une. Le silence se fait. Je regarde autour de moi. On me regarde. On scrute la boîte. On se lève pour en voir jusqu’au fond du fond. Il n’y a rien de plus que ce que j’en vois ; on chuchote. Puis tout le monde se met à rire, alors je ris. C’est ça Noël. Un peu vexé quand même je pioche dans la boîte. 56. Intrigué, je suis intrigué. C’est pour papi Joël. On continue ainsi jusqu’à ce que la masse de paquets diminue grandement, puis se réduise à néant. On oublie mon cadeau étrange. Je n’y pense moi-même plus. 4h37, les derniers viennent de partir- je dirais presque enfin car je tombe de sommeil- alors je me dirige vers ma chambre. Souhaite une bonne nuit à mon unique sœur en passant. Attrape un caleçon, enlève mon pantalon, le pose sur ma chaise de bureau. Une enveloppe du même bleu que le cadeau gît seule sur mon bureau dénué de bouquins, c’est les vacances après tout. L’intrigue renaît, mais la fatigue est de plus en plus oppressante. « Tu semblais troublé par mon cadeau ; il ne te rappelle rien ? » C’est seulement ce que je peux lire sur la carte à l’intérieur. Toujours pas de signature. Je me couche en me disant que plus tard je m’en occuperai. 17h42, mes yeux s’entrouvrent, je me lève quand même. Le ventre lourd et la bouche pâteuse. L’enveloppe est toujours là, sur mon bureau, « Tu semblais troublé par mon cadeaux ; il ne te rappelle rien ? ». Il n’y a toujours rien de plus ; j’ai déjà vue cette écriture, mais je n’arrive pas à la rendre à son propriétaire. Mon père, ayant vu de la lumière, vient me dire bonjour - si l’on peut dire ainsi - je précipite l’enveloppe dans un tiroir, et sors avec lui de ma chambre. J’apprends que mes frères sont levés depuis longtemps, et que Laura est déjà partie. Personne ne l’a vu partir. Elle nous a encore échappé. C’était notre ange de Noël. C’est aussi ça Noël : quand tout se termine, la magie s’estompe. | |
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