Altaïr
| Sujet: Fragment #22 - Effervescence 09.04.08 15:23 | |
| Mardi 6 juin 2006 à Dijon Ca cogne dans ma tête. Mon front est une plaque chauffante, un gril, et derrière, c’est la fournaise. Chaque battement de paupière me brûle les yeux, papillon ardent. Jill a beau m’appliquer un gant de toilette froid sur la tête – oh… doucement… c’est si froid… Tomber malade en Juin, n’est ce pas aberrant ? Jill est là, mais je ne sens plus rien. Ce n’est pas parce que j’ai le nez bouché et que toute saveur s’estompe en franchissant les remparts de mes lèvres, non, juste qu’en cet instant, dans l’état où je me trouve, je ne ressens rien hormis la lourdeur de mon corps, la sensation désagréable et purement physique que provoque un simple rhume, et je déteste ça. Je voudrais que ça cesse sans attendre, mais ça reste là, collé comme de la morve, et je ne peux pas m’en débarrasser. Même mon lit a perdu toute sa douceur. Les draps sont rêches, les couvertures âpres. Seule consolation, le cachet. Pas son goût infâme, abominable – une torture, même – non, mais le spectacle du comprimé effervescent qui se dissout lentement au contact de l’eau (j’aime à le tremper tout doucement, à moitié, pour n’en voir qu’une partie opérer sa magie), et transforme le verre en une tempête de bulles qui s’agitent et tourbillonnent, geyser miniature. Et puis il faut l’avaler, et mon visage se comprime en grimaces. « Ce n’est qu’un rhume, soupire Jill, agacée, pas la fin du monde. Tu n’es pas à l’article de la mort, Julian. » Pas à l’article de la mort ?! J’aimerais bien la voir, elle, avaler cette autre gorgée qui – oh non il en reste encore ! Le supplice ne s’achèvera donc jamais ?… Et Jill qui tourne autour du lit, et qui tourbillonne, un peu comme une bulle elle aussi, effervescente, nerveuse. Quelque chose ne va pas ? Non, ça va. Les partiels. Si ce n’est que ça… Je ne peux pas croire qu’elle se fasse du souci pour ça. Il y a autre chose ? Tout à coup, une peur me saisis, je voudrais n’avoir jamais posé cette question, ne pas connaître la réponse. Mon cœur s’emballe. « Mon père est passé chez moi hier soir, dit-elle, il veut rester quelques jours. Le temps que je gère un peu ça, je risque d’être un peu moins là. M’en veux pas Julian. » Dois-je me sentir soulagé ? Inquiet ? Je ne sais pas encore. Entre mon rhume, mon combat personnel contre le Papier, et cette autre sentiment, plus terrifiant que tout autre encore, je ne sais pas si je suis de taille à aider Jill face à son père.
Cet autre sentiment… Maintenant c'est dans mon ventre que ça bouillonne ; les tripes en effervescence...
| |
|