Procyon
| Sujet: Fragment #54 - Acteur désenchanté 12.04.08 11:46 | |
| Lundi 10 mars 2008 à Paris 8h03. Avec quelques minutes de retard nous arrivons bras dessus, bras dessous au lieu de rendez-vous pour le tournage. Vous ne pouvez pas imaginer combien je suis fier de me promener aux côtés de ma sœur. Mon modèle. Cet oiseau furtif, cette folie incarnée. La seule fille de la fratrie. Il faut la protéger, et j'ai l'impression d'être son garde du corps. Elle dit bonjour à chacun des gens présents, je l'imite. Je sers des mains, et me contente de hocher la tête en signe de bonjour. Lorsque tout à coup une main ne lâche pas la mienne. Je lève les yeux sur... Julian. Ses yeux me fixent, puis il me sourit. Je lui souris. Quelques mots sont échangés. Je pourrai dire à Lilian que j'ai vu son frère. Je continue ma tournée de serrage de main. Aujourd'hui je vais être acteur ; pas un grand acteur, non, un simple figurant. Mais je vais tout de même apparaître dans un film ; pas un grand film, non, un simple projet de jeunesse. Projet de jeunesse que mon petit oiseau prend très au sérieux. Elle sait hausser la voix, je lui fais confiance là-dessus. Acteur..., c'est fou, je n'y avais pas encore réfléchis. Pas pris la peine de me poser des questions -je suis simple figurant-, ni le temps de me les poser, j'étais tellement euphorique de voir ma sœur, de me promener avec elle, de rire dans les rayons comme lorsque nous étions plus jeunes. Bien qu'organisé minutieusement et rythmé par les démonstrations vocales de ma sœur, le tournage s'éternise quelque peu. Et il est vite 20h quand les premiers quittent les lieux. Au moment de partir, il ne reste plus grand monde ; seulement Laura en grande discussion avec le caméraman, et trois ou quatre autres personnes traînant sur les lieux. J'enfile ma veste. Je récupère sur la table de la cuisine mes clés, mon paquet de garrot, et mon briquet. Mince, où est-il ? Je suis sûr de l'avoir posé là avec le reste. Je me tourne dans tous les sens, me baisse, m'affole. Mon cœur s'excite, il s'emballe, et se calme d'un coup lorsque devant l'évier, je vois que c'est simplement Julian qui le tient dans ses doigts. Il le fixe, je n'ai pas l'impression qu'il m'ait vu chercher l'objet précieux, ni même qu'il m'ait simplement vu, tant il semble absorbé par l'objet. Je m'approche le bras tendu pour le récupérer. Il y a quelque chose de malsain dans sa façon de l'observer. Il continue de faire tourner lentement dans ses doigts le cadeau de Laura. Alors, les dents serrées, je susurre: « Je peux? ». Quittant enfin sa contemplation, il me fixe puis dépose dans ma main le briquet mi-bois mi-métal. Je me sens bizarrement soulagé. Pourtant lorsque mes doigts se referment dessus, il y a toujours une pression de sa part et nous restons ainsi, liés par ce briquet, liés... L'entrée de Laura dans la pièce met fin à cette situation étrange, et l'objet convoité retrouve sa place dans ma poche. Ce soir nous mangeons tous les deux, je n'ai pas demandé où est passé son américain, et je m'en fous. Nous parlons de ce tournage. Elle a trouvé que ça s'est bien passé. Et mon passage a moi nous en avons ri... | |
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