Procyon
| Sujet: Fragment #64- Courage c’est fini 12.04.08 11:54 | |
| Samedi 22 mars 2008 à Plombières les Dijon 9h52. L'humeur maussade d'hier s'est envolée en même temps que lui tombe dessus les flocons de neige. De cette neige tant attendue cet hiver, de cette neige dont on parle à la radio, de cette neige qui recouvre tout l'Est de la France, de cette neige qui me donne le sourire. Je suis tombé pour elle, cette neige matinale qui couvre d'un manteau de silence les rues plombièroises. Elle est tombée pour moi, pour mon plaisir. Ils restent enfermés, elle dans sa cuisine et lui sur son canapé. Seul dans la rue je chantonne en direction de l'auto-école. Le clandestino de Manu Chao se retrouve exilé dans le froid. Pauvre de lui. Je suis passé sous la barre des sept fautes, encore un petit effort, quelques semaines et je serai totalement prêt pour passer le code. Je pourrai alors monter dans une des C3 : bleu ou jaune ; ils n'y ont pas été de main morte en choisissant les couleurs. En traversant le bureau pour sortir j’entends les moniteurs discuter entre eux du destin tragique de cette femme qui est morte mercredi dernier. Au revoir dis-je en ouvrant la porte. Au revoir me répondent-ils. Les rumeurs se font moins denses qu’en début de semaine. Pauvre femme. Si l’on voit les choses du bon côté, on se dit qu’elle a permis de relancer le débat sur l’euthanasie. Sinon on se doit de penser qu’elle a énormément souffert : lorsque j’ai vu passer le sac blanc de la morgue, je n’ai pas cru qu’elle était dedans. Plus de cinquante ans et moins de quarante kilos. Atteinte d’une tumeur au sinus, son visage s’était déformé. Douleur, cécité, surdité, ont fait son quotidien durant les derniers mois de sa vie. Vie qu’elle a demandé à écourter. Privilège qu’on lui a refusé. Mais ce qui rend ce sujet de conversation incessant ici, c’est que c’est Plombières qui a été le théâtre de ce tumulte, de cette agitation. Le remue-ménage, ce n’est pas à proprement parler cette femme qui l’a provoqué. Mais plutôt les dizaines de journalistes qui venaient chaque jour avant qu’elle ne meure, et les centaines qui ont débarqué le jour de sa mort, et les suivants. Il y avait aussi les cars de CRS autours des bâtiments où elle vivait pour empêcher les journalistes de venir détruire les preuves. Les preuves de quoi ? Même nous en tant que pompier on n’a pas eu le droit de monter dans l’appartement. Les preuves de sa mort. L’a t’on aidé dans sa démarche ? S’est-elle suicidé ? Est-elle morte naturellement des douleurs, des souffrances, des supplices, que l’on n’a pas daigné lui éviter ? Les premiers résultats de l’enquête évincent cette troisième solution –finale- ; enquête qui n’aurait pas dû avoir lieu aux yeux de la famille, des avocats, des voisins et de la population en général. Cette histoire m’émeut, me touche et me révolte. Quel courage. | |
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