Altaïr
| Sujet: Fragment #32 - La Cène 09.04.08 16:31 | |
| Dimanche 18 juin 2006 à Dijon Nous voilà devant la gare, elle, lui et moi. Presque minuit. Il me semble que c’est à cette heure-ci que se déroule l’essentiel de ma vie, depuis quelques jours. Et pourtant, il s’en passe des choses, en une journée. Petit retour en arrière. Il est treize heure passé, je suis en retard, sur le perron du 148 Avenue Victor Hugo. C’est Elodie qui vient m’ouvrir, bonjour belle-sœur, tes cheveux sentent si bon (ai-je vraiment dit ça à voix haute ?…), je peux les humer encore une fois ? Allez, encore une bise. Florian et Papa prennent l’apéritif en attendant que Maman ne serve le déjeuner. Bonne fête Papa (non, je n'ai pas oublié). La petite Léa s’amuse à embêter le chat. Il est gentil ce chat, moi à sa place, je ne me laisserai pas faire. Lilian est sur le canapé, recroquevillé devant la télé. Est-ce que je veux un verre de martini ? Non, merci Florian, oh, et puis si. Je passe dans la cuisine, déposer un baiser sur la joue de Maman, entre deux volutes de vapeur. Oui, je vais bien Maman (tu ne sais pas, personne ne sait ici ce que j’ai enduré, la douleur de la vue du sang, de ma propre incapacité à protéger Jill, tu ne sais pas ça et tu ne le sauras jamais ; je vais enclore ce souvenir dans les tréfonds de mon cerveau, l’enfouir sous des tonnes de pensées-terre noire et l’ensevelir pour qu’il repose et blanchisse en paix, petit squelette d’une nuit macabre) et toi, ça va ? Délicieux ce taboulé, mais tu pourrais sourire Lilian, ta moue de fossoyeur, ça va bien cinq minutes (tu ne sais pas, toi non plus, tu n’as pas vu ce que moi j’ai vu) et oui Florian je suis à cran en ce moment, ne me cherchez pas je pourrais vite monter en pression. D’ailleurs je monte à Paris cette nuit, avec des amis, j’y reste quelques jours, j’enverrai une carte postale (ça c’est malin, maintenant il faudra en envoyer une). « Il faudra que j’envoie une carte postale à mes parents. » Je ne sais pas pourquoi je dis ça, sans doute pour combler ce blanc qui commençait à s’éterniser depuis que Nalvenn est aux toilettes. Sébastien ne parle pas beaucoup. Il est tard, la nuit rafraîchit la ville de Dijon, que je m’apprête à quitter pour la première fois depuis longtemps. L’ivresse du départ, l’angoisse des quais. Nalvenn revient des toilettes, nous allons prendre un sandwich en attendant le train. Minuit approche. Dans quelques heures... Paris...
| |
|