Mintaka
| Sujet: Fragment #52 - Pas une fois encore 12.04.08 16:42 | |
| Samedi 24 mars 2007 à Dijon Je fais les cent pas dans son appartement. Il devrait déjà être rentré. Ca fait des heures que je l’attends ici, toute seule, et je vais finir par creuser une tranchée à force de marcher comme ça d’un bout à l’autre de la pièce. Je suis remontée comme jamais. Mais où est donc passé le petit ami attentionné et présent qui vivait avec moi il y a encore quelques semaines ? Où est passé cet amant passionné qui aujourd’hui ose à peine passer ses mains de l’autre côté de mon dos ? Je n’arrive pas à comprendre ce qui peut se passer dans la tête de Julian. Il est devenu fuyant, il se dérobe à mes attentions, mes caresses. A chaque geste que je peux avoir envers lui en fait. Et encore, quand on se trouve tous les deux (en même temps) dans l’appartement, ce qui ces derniers temps se fait très rare. Il est toujours dehors, rentre toujours tard le soir, de préférence quand je suis déjà endormie. On dirait que c’est ce qu’il cherche, m’éviter. Et si par malheur j’essaye de lui en parler, il bafouille qu’il est pressé, qu’il doit partir… et je n’ai donc jamais aucune réponse à mes questions. Mais ce soir, c’est décidé. Je l’attends, peu importe l’heure à laquelle il rentrera, et je lui parlerai. Il n’aura peut-être rien à répondre, mais au moins, cette fois, il écoutera. Au bout de quelques heures intensives de télé, et environs trois cent douze changement de chaines, j’entends enfin la clef dans la serrure, et la poignée se tourner tout doucement. Il entre sur la pointe des pieds. « Pas la peine de prendre toutes ces précautions, je suis pas couchée. - T’as vu l’heure ? - Oui. J’ai vu l’heure, oui. Et toi tu l’as vue ? T’étais où ? - Tu sais, ce rendez-vous d’embauche dont je t’ai parlé, me balance-t-il en marchant vers le frigo. - Tu peux me faire face juste trente secondes pour me parler ou c’est au dessus de tes forces ? - Pourquoi tu cries, qu’est ce qui t’arrive ? - Qu’est ce qui m’arrive ? Il m’arrive que t’es jamais là, que je suis toujours toute seule, que ça fait des semaines que t’as pas posé la main sur moi… t’en veux encore ? - Arrête Lola, j’aime pas quand tu commences comme ça… - Oui bien sûr, parce que je devrais rester ici, toute seule, sans que tu prêtes attention à moi, et continuer à me taire ? »
Il ne répond rien. Se contente de me toiser du haut de son silence. Je cherche ses yeux pour essayer d’y lire quelque chose, de comprendre ce que je peux comprendre. Mais il reste impassible, debout, devant moi. Moi qui suis déjà rouge de colère, qui tremble. « Tu crois que ça m’amuse de crier comme ça ? Tu crois que c’est mon passe temps favoris de t’attendre ici pendant des heures sans même savoir où tu es ? Tu vas être Papa Julian, et on dirait que tu sembles un peu l’oublier en ce moment. - Je viens de trouver un travail pourtant… - Mais ce travail tu ne l’as pas trouvé pour NOUS, tu l’as trouvé pour TOI. Pas pour te rapprocher de nous, mais pour nous fuir. Pour avoir une raison valable d’être dehors le plus souvent possible, de t’échapper en toute impunité. J’ai tort ? - … - Est-ce que j’ai tort ? je crie de plus belle. » Son silence est insupportable, intolérable même. Comment pourrais-je rester une seconde de plus devant cet homme que j’aime tant, et qui se désintéresse complètement de moi et de l’enfant que je porte. De cet enfant qui est le sien aussi… Je me dirige vers la porte d’un pas furibond, attrape mon manteau, et claque la porte derrière moi. Si je suis assez forte, j’arriverais à m’empêcher de pleurer trop vite. Il n’entendra pas ces larmes. Pas une fois encore. | |
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