Fragment #96 - A nouvelle année nouvelle vie ?

Je m’isole dans la salle de bain de Zoé et relis le message que Lilian m’a envoyé hier. Julian est là, ce soir. Mais demain ?

Toc toc toc.
« Lola c’est Théo, ça va ? »
Je sors de la salle de bain.
« Oui oui tout va bien t’en fais pas.
- Vas-y Lola…
- Quoi ?
- Va chercher Koko et allez-voir Julian. C’est son père, et on ne sait pas s’il restera longtemps sur Dijon.
- Mais…
- Pas de mais qui tienne ! »
Il m’embrasse tendrement, et me serre doucement dans ses bras.
« Promets-moi juste d’être revenue pour les douze coups de minuit ! »
Je regarde cet homme, et la douceur dans ses yeux.
« J’ai de la chance de t’avoir… Tu es un amour. »

Juste le temps d’aller chercher Kokhavah chez mes parents, sans une explication. Ils ne comprendraient pas. J’appelle Lilian sur le chemin pour lui dire que j’arrive au Dionysos.
« Ok, je préviens Julian pour qu’il sorte… C’est bien que tu sois là Lola ! »

Julian sort, tout essoufflé, et son visage change en me voyant planté là avec ma fille.
« Tiens... salut vous deux...
- Salut... Heu, on ne te dérange pas ? Tu dois avoir du travail par-dessus la tête un soir comme ça.
- Non, non, je... j'm'en sors. Aucun souci...
- C'est Lilian qui m'a dit que tu serais là ce soir... Moi j'étais avec les filles mais... Mais je voulais que tu voies Kokhavah et, comme je ne sais pas combien de temps tu vas rester en place...!
- Pas longtemps c'est vrai. Je pars sur Paris dans quelques jours. Là je fais mes derniers jours au Dionysos.
- Ah... bon je pourrais te demander ce que tu vas foutre à Paris, mais ça me regarde plus, et puis je ne suis pas venue pour ça ...
- Ce que je vais "foutre" à Paris ? Eh bien écoute je vais vivre ma vie, comme un grand. Trouver un travail, un appartement, laisser le passé derrière moi. Et le reste me regarde. Je fuis des choses ici que tu n'imagines même pas.
- Est-ce que l'une des raisons pour lesquelles tu fuis ne serait pas en train de roupiller dans son landau par hasard ? »
Il me regarde en riant.
« Ton humour va me manquer, et me manque déjà depuis un bon moment, jeune maman... » C’est à mon tour de sourire. Il a toujours su trouver les mots, là encore.
« Toi aussi tu me manques, et même si je voulais t'oublier, la bouille de ta fille te rappelle à mon souvenir bien souvent ! Tu la verrais sourire, même Lilian le dit, c'est ton portrait tout craché !
- Ah oui, Lilian... Il l'aime fort, cette petite, tu sais.
- Ce n'est pas son père... Mais je me dis qu'elle aura toujours un peu de toi à travers lui. Et puis il est adorable avec elle... Je crois qu'ils ont beaucoup à s'apporter tous les deux.
- C'est bien. »
Il se tait, et c’est Kokhavah qui brise le silence avec des gazouillis. Je la sort de son landau et la prends contre moi.
« Je crois qu'elle en a marre de dormir...
- Elle est belle. »

Il hésite.
« Je peux la prendre dans mes bras ?
- Bien sûr, ça reste ta fille tu sais...
- Coucou bébé. Coucou... C'est ton papa. Ca me fait drôle de t'avoir dans mes bras comme ça parce que je te connais pas beaucoup. Tu sais je suis désolé petit bébé, je suis pas super comme papa. J'aurais préféré que tu aies quelqu'un de mieux mais voilà, c'est tombé sur toi et moi. Je peux pas te voir souvent, c'est compliqué, il faudra que je t'explique tout quand tu seras une grande fille. »
Je vois ses yeux se remplir peu à peu du liquide salé.
« Ca me fait peur que tu deviennes grande un jour et que tu m'en veuilles. Tout ça c'est la faute de - C'est comme ça. »
Je renifle, silencieusement, au bord des larmes. Julian me tend doucement la petite merveille, qui passe de bras en bras sans broncher. Je la regarde, ses grands yeux qui essayent de capter tout ce qui se passe.
« Comment je vais faire pour lui expliquer Julian ? Qu'on s'aimait vraiment, enfin que je t'aimais. Que ce n'est pas un bébé fait à la va-vite, un accident. Comment je lui parlerai de toi, si tu pars loin ? »
Il passe une main sur son visage…
« Je t'aimais aussi tu le sais. Je vous écrirai. Des lettres. De belles lettres. Je vais me remettre à écrire. Pour toi et pour elle. D'accord ? »
Un sanglot s’étouffe dans ma gorge.
« Ca ressemble à des "Adieux" ça tu sais, et j'aime pas trop ça... Je les garderai toutes tes lettres, et je lui lirai quand elle sera plus grande, qu'elle pourra comprendre. Je lui parlerai de toi tu sais, elle saura qui tu es, je veux pas qu'on t'oublie... »
Il sourit, mais ses yeux trahissent son vrai sentiment.
« Je vais retourner bosser Lola, mon patron va m'attendre à l'intérieur... »
Je repose Kokhavah dans le landau.
« Oui, je vais filer aussi, j'avais promis à Théo de passer les douze coups de minuit près de lui... On te laisse bosser !
- Théo ?
- Ah oui... On a qu'à dire que je te raconterai ça en réponse à tes lettres ? »
Julian sourit en poussant la porte du Dionysos.
« Prends soin de toi Julian…
- Vous aussi... Et bonne nouvelle année.
- Oui, à toi aussi, bonne nouvelle vie surtout... »
Partir, sans se retourner surtout. Cacher mes larmes… Théo m’attends. Une nouvelle vie commence.