Altaïr
| Sujet: Fragment #41 - Plus Que Parfait 09.04.08 17:01 | |
| Lundi 31 juillet 2006 à Paris Le mois de Juillet touche à son terme. Voilà cinq semaines que je squatte chez le cousin du petit ami de Nalvenn, et hier je me suis engueulé avec Nathan pour la première fois. Remarques acerbes et froides, projectiles lancés depuis les tourelles d’une forteresse d’acier sur un pantin de chair à vif, un feu follet dissipé par le moindre souffle, le moindre éclat, faisant gicler la tourbe. Enième nuit trop arrosée en compagnie d’un ami d’un ami de Nathan, Gautier, qui m’embourbe dans le monde enivrant de la nuit, de bar en bar. Et mes écrits stagnent dans ces flaques de bile éthyliques. Voilà tout ce que Nathan me reproche, du haut de son rempart, devant lequel je me plie. Et me voilà sur le seuil de l’appartement de mon grand-père, Grand-Père Robert, que je n’ai pas vu depuis des mois, et auquel je n’ai pas pensé une seule fois rendre visite depuis mon séjour à Paris (mais là encore, je fais preuve d’une effroyable hypocrisie envers moi même, je le sais, car la voix, comme à son habitude, depuis un coin de l’intérieur de mon crâne, s’empresse de me le rappeler). La canicule pesante, et surtout les réprimandes de Nathan, ont mené mes pas jusqu’ici, devant la porte de ce petit appartement miteux, contre laquelle je frappe depuis maintenant plus d’un quart d’heure. Enfin, le loquet s’ouvre.
Bleuette. Douze ans à peine, rousse-brune, parsemée de taches de rousseur. Le corps malingre comme une plante qui aurait poussé loin de la lumière. Un peu décalée mentalement. Elle regarde Arthur avec fascination. Lui la méprise et la rejette, comme le font ses amis, parce qu’elle est bizarre, Bleuette. Arthur n’aime pas les gens bizarre. Ainsi je crayonne le deuxième personnage phare de mon écrit, tandis que Grand-Père Robert m’assène de marmonnements incompréhensibles en servant des petits gâteaux au miel incrustés de raisins secs. Appartement exiguë et jaunis qui sent le moisi. Temple du pourrissement. Je regarde mon grand-père sans l’écouter, trop occupé que je suis à détailler l’horreur que m’offre la vue des affres de la vieillesse et de la maladie, le flétrissement d’un corps, bruni comme une pomme s’oxyde après avoir été vert et acide puis rouge et tendre. Et je compose des être roses et frais, non encore frappé par la décrépitude des corps, la dégénérescence des chairs. Dans ce tableau édénique, Bleuette apparaît comme une petite tache, du fait de sa débilité mentale. Une petite tache noyée dans l’enfer plus que parfait d’un paradis couleur de paille.
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