Fragment #47 - Chouette nouvel an

« Zéroooooooooooo ouuuuuuuuuuuuuhhhhhhhh ! »
Fermez la, sombres crétins… Je ne peux plus, je ne peux pas jouer la comédie à ce point, il est tout simplement hors de mes capacités de faire semblant d’aimer danser, de donner l’impression que je m’intéresse à ce stupide minuit, à cet inepte passage d’une année à l’autre. Je me redresse sur mon siège, ferme les yeux, tandis que tout le monde bouge autour. Je sens alors des lèvres se presser contre les miennes. Je reconnais le parfum de Marie. Mais lorsque j’ouvre les yeux, je me rends compte que c’est une toute autre fille, qui sans doute utilise la même eau. Qu’est-ce qu’elle veut, celle-là ? Je n’ai pas fini de lui jeter mon pire regard qu’un garçon s’approche de l’autre côté et m’embrasse à son tour. Je le repousse, et il me fixe d’une étrange manière, comme s’il était surpris de ma réaction. Je me rends alors compte qu’autour de moi, toutes les bouches sont collées, dans l’anarchie la plus totale.
D’autres personnes défilent et collent leur appareil buccal au mien. Je me laisse faire, inerte, sans réaction face à cette coutume que je ne comprends pas. Marie arrive à son tour, me passe la main dans les cheveux. Là j’ai déjà plus l’habitude. Je l’embrasse, avec un peu plus de profondeur que les autres. Alexandre est juste derrière elle et a droit au même traitement, même si cela me répugne déjà nettement plus. Cette espèce de fantasme de Marie m’échappe. Être trois. Quel intérêt ?...
La musique repart, plus forte qu’avant, plus techno, plus pauvre et laide aussi… Je laisse ma tête retomber dans mes mains, les coudes posés sur les genoux. Qu’ils dansent, si c’est ce qu’ils veulent. Je veux dormir.