Fragment #59 - Encore une rentrée de passée…

« Passé de bonnes vacances ? »
Je réponds en hochant la tête, et ne retourne pas la question. La question a tendance à me lasser très vite, lorsqu’on l’entend posée dix fois dans la journée. Au lieu de ça, je rentre dans la classe, vais m’asseoir à la place où je suis la plupart du temps. Marie passe juste derrière moi et s’assoit à côté.
« Pourquoi tu ne réponds pas ? »
Elle a un ton étrange, qui se veut visiblement neutre, mais où pointe une sorte d’énervement latent que je ne comprends pas. Ce n’est pas son genre.
« Elle s’en fichait, tu sais, elle ne s’est même pas rendu compte que je ne répondais pas.
- Tu changes de nouveau, Léo… tu me fais penser à celui que tu étais en début d’année, je ne sais pas ce qui t’arrive. »
Mon cœur s’accélère imperceptiblement. Elle a raison, je relâche mes efforts, parce que j’en ai un peu marre de jouer la comédie et que tout soit si simple. Je crois qu’inconsciemment, je me crée des difficultés en laissant transparaître un peu ce que je pense réellement. Je n’hésite qu’une demi seconde. Je baisse la tête, une expression peinée sur le visage.
« Pardon… c’est à cause de… Enfin… »
Je fais une pause. Elle ne bouge pas, seuls les extrémités extérieures de ses sourcils sont un peu affaissées lorsque je la regarde à nouveau. Alexandre passe derrière nous à cet instant.
« Hey, ça va vous deux ? »
Il m’ébouriffe les cheveux au passage, puis va s’asseoir à côté de Marie. Au bout de la rangée de quatre, Georges est déjà installé, et nous observe. Pour compléter la bande, Jeanne et Jérôme sont juste devant. Je crois qu’ils ne vont pas tarder à sortir ensemble. Je pourrais essayer de les monter l’un contre l’autre, pour voir si je ne suis pas trop rouillé.
Marie qui s’installe sur la chaise me ramène à la situation présente. Déjà, la reconquérir. C’est bête, je ne veux pas que l’expérience s’arrête, malgré la lassitude que j’éprouve à jouer mon rôle. Je veux garder Marie. Et elle partira dès que je cesserai d’être ce que je ne suis pas. Je ne veux plus d’Alexandre, ni des deux de devant, mais eux veulent de moi. Georges, je ne peux rien en dire, je ne le saisis toujours pas.
La professeur de maths interrompt mes pensée en débutant le cours. C’est parti pour quelques semaines.