Bételgeuse
| Sujet: Fragment #23 - Il fallait s'y attendre 12.04.08 20:10 | |
| Mardi 1 août 2006 à Dijon Ma gorge frissonne doucement au passage du liquide anisé. Les picotements perdurent sur ma langue et mon palais quelques longues secondes. Cette bouteille de véritable Absinthe, celle qui rend fou, paraît-il, celle sans laquelle Baudelaire n’aurait pas été Baudelaire, cette bouteille est l’un des seuls souvenirs palpables qui me relient encore à mon pays. J’en bois peu, je déguste, commence par tremper mes lèvres, fais tourner le verre pour admirer l’impeccable transparence de cette boisson d’éternité ( Elle ouvre l’espace d’un instant les portes de la vie éternelle aux courageux qui s’y risquent) et enfin offre doucement cette transparence à mes papilles atrophiées, que seule la fraîcheur de l’anis mêlée à la chaleur de l’alcool arrive à réveiller.
Il faut que je passe à la SMEREB pour régler quelques problèmes concernant ma ré-inscription à la fac. Il est 16h08. Je me demande si ça vaut le coup d’y aller aujourd’hui, je crois que ça ferme tôt. Je perds dix minutes en digressions inutiles, avant d’enfin me décider.
Les nombreux orages que la région a connu ont rafraîchi l’atmosphère significativement, le vent s’engouffre dans mes cheveux, joue avec quelques mèches, retombe, et puis revient, inlassablement il emmêle, tortille, enroule, on dirait un jeune chiot qui joue avec sa mère, ou un brin d’herbe. Tantôt il découvre mon visage pâli par le manque de nourriture, faisant éclater ma vérité au monde entier, laissant mon faciès hurler ma douleur et ma vie, avec toute l’arrogance de ma peau jeune bien que fatiguée ; tantôt il fouette ce même visage de mèches rousses « comme la terre du diable », essayant de laisser une marque rouge comme un fer chaud sur la peau pâle.
J’arrive enfin boulevard Voltaire, derrière l’Eldo, il me reste encore un bout de chemin à lutter cheveux et visage au vent. Quand enfin j’arrive devant le bâtiment tant attendu, un doute me tord l’estomac, à moins que ça ne soit la faim ? Une feuille blanche sur la porte. Je n’ai même pas besoin de regarder que je sais. « Ouverture : 8h30-12h ; 14h-17h ». Il est 17h02. | |
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