Bételgeuse
| Sujet: Fragment #27 - Ennui 12.04.08 20:15 | |
| Samedi 5 août 2006 à Dijon Un trou immense s’est emparé de mon ventre, et n’en veut plus partir. Je me sens vide jusqu’au plus profond de mes tripes, le genre de vide qui vous tord les boyaux sans que vous n’y puissiez rien. L’ennui s’est élevé tel un mur de cristal dans mes entrailles, et j’en suis prisonnière. Pour la dixième fois au moins, je me lève de mon lit, mes jambes me traînent vers le coin cuisine, où je reste bras ballants ; je me tourne en direction de la salle de bain, en franchis même le seuil, je vais jusqu’à appuyer sur l’interrupteur fatigué, faisant jaillir une lumière jaune dans le temple écaillé des corps mêlés d’eau. J’expire lourdement, éteins la lumière, retourne sur mon lit, sous la fenêtre.
Jamais je n’ai connu plus horrible châtiment que cet ennui mortel, cet ennui qui va au-delà de tout ce qu’on peu imaginer avant de l’avoir connu. Plus rien ne peut m’atteindre, tant que je serai dans ce trou sans fond, qui pèse sur mes poumons comme dix paquets de clopes fumés à la suite, qui me brûle l’estomac avec plus d’acidité que la bile, qui alourdit mes membres et mon esprit.
Je n’arrive pas à dormir, je n’arrive pas à bouger. Je suis dans un état proche de celui que connaissent les grands insomniaques, en moins agréable, j’imagine. Ce n’est pas mon cerveau qui est le plus brumeux, mais bel et bien mon corps, je n’ai plus ni intestins ni poumons, je ne suis qu’une carcasse vide, et le plus pénible est que je m’en rend compte, et n’y puis rien. Si seulement je pouvais m’arrêter de penser, pour enfin dormir, me réveiller pleine d’énergie et quitter ce néant qui me donne envie de crier, d’hurler à en réveiller les ours polaires, pour le faire sortir de mon enveloppe corporelle, cet esprit maléfique qui a pris possession de mes entrailles. J’attrape une bouteille de whisky qui me fait les yeux doux. Essaie de faire disparaître le néant en avalant une gorgée, puis deux, puis trois. Je repose la bouteille. Me lève à nouveau. Mes jambes me traînent vers le coin cuisine… | |
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