Bételgeuse
| Sujet: Fragment #37 - Bloodoholic 12.04.08 20:26 | |
| Vendredi 18 août 2006 à Dijon Les bras de velours de la nuit ne suffisent pas à m’apaiser. Elle m’enveloppe comme un long manteau, caresse ma joue meurtrie. Je marche à en perdre le souffle, serrant entre mes doigts quelques billets. Un froid insidieux me mord le cou, comme pour me rappeler ma soirée. Je monte quatre à quatre les marches, qu’est-ce que j’ai fais de mes clefs ?! Je les retrouve enfin, au fond d’une poche de jean, ouvre fébrilement la porte. Je tremble encore en la refermant derrière moi. Des larmes nerveuses brouillent ma vue.
L’eau froide du robinet se mêle à l’eau salée de mes yeux. Mais pourquoi est-ce que je pleure ? Ce n’est pas la première fois que je tombe sur un mec avec des trips bizarres. En fait, j’ai peur. Peur parce que… parce que j’y ai pris du plaisir. Mes papilles ont pris goût au sang. Ma peau a pris goût aux blessures. Et mon âme y trouve son contentement. Bientôt je vais me réveiller, je ne me verrai plus dans les miroirs. Flippant.
Je sors de la salle de bain, il est 4h32.
Vendredi 18 août 2006, 4h32 : la vie est une immense imposture. Je pense que je l’ai toujours su, mais cette vérité me frappe à présent. Depuis le début, on m’a menti. Tout le monde. On m’avait dit que j’atteindrais les nuages ; je suis désespérément clouée sur Terre. On m’avait dit que je deviendrais belle, éblouissante ; mon corps souillé m’encombre. On m’avait dit que c’était gratifiant de travailler ; mon travail fait encore peur aux gens. On m’avait dit que je serais forte, plus forte qu’eux tous, et j’y ai cru, et maintenant je pleure pour tous ces menteurs qui m’ont trahie. On m’avait dit qu’un homme m’aimerait pour toujours, mais ces gens-là avaient-ils vraiment pris la mesure de l’éternité ?
On m’avait dit d’être heureuse avant tout, qu’une vie n’était pas réussie si elle n’était pas heureuse. Et ma vie, alors, elle est bonne à être jetée aux chiens, parce qu’elle n’est pas à la hauteur du bonheur ?
On m’en a dit des choses, et la plupart sont fausses, dois-je en conclure que tout le reste l’est aussi ?
Et pourquoi suis-je sortie de la salle de bain ? J’y entre à nouveau. Le miroir me renvoie l’image de mon cou meurtri, une profonde trace de dents comme tatouée sur la peau. J’effleure du bout des doigts, une grimace se forme sur mes lèvres rouges d’avoir été mordues. J’enlève pour la deuxième fois de la nuit mes vêtements, doucement, pour ne pas heurter mon épiderme. Le sang séché de l’inconnu sur mon ventre. Je pue le sexe obligatoire et le whisky.
L’eau bienfaitrice coule lentement, dans un bruissement apaisant.
5h07 : mon corps frissonne enfin de se purifier. | |
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