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 Fragment #92 - L'Antre de la Vérité

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Alsciaukat

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Fragment #92 - L'Antre de la Vérité Empty
MessageSujet: Fragment #92 - L'Antre de la Vérité   Fragment #92 - L'Antre de la Vérité Empty13.04.08 16:53

Mardi 26 juin 2007
à Joué-Lès-Tours

Je descends de la voiture, contemple quelques instants le calme quartier résidentiel, auquel parviennent étonnamment peu les bruits de la route pourtant importante qui s'allonge tout près et par laquelle nous avons du passer pour arriver ici. C'est une sorte de petite vallée encastrée entre les immeubles étalés partout autour, un paisible refuge protégé par des zones arborées et de petits coins d'herbes où les agressions extérieures ne semblent pas capables de pénétrer, comme si une bulle intangible l'enveloppait d'un cocon protecteur. L'endroit a de plus l'avantage d'être assez proche du centre ville actif, de grandes surfaces, de l'autoroute, et bien desservi par les bus.
Je regarde Jérôme qui ferme la voiture d'une impulsion sur sa clé. Comme il a l'air heureux. Ses yeux pétillent d'une lueur farouche et impatiente, presque malicieuse, brillante d'intelligence, de celles qui donnent envie d'en savoir plus, de s'intéresser à la personne avec l'espoir ténu de pouvoir partager cette force en puissance recelée par le propriétaire des yeux et prête, semble-t-il, à éclater et se répandre sur l'assemblée en une pluie joyeuse et motivante ; même ses gestes sont plus sûrs, ses mains ne tremblent pas, son port est assuré, le dos droit, les enjambées larges et volontaires, la tête dressée vers l'avenir. Rien à voir avec l'ombre qui m'a tenue compagnie neuf années durant, depuis le décès de ma mère. Christelle a un pouvoir que je n'ai pas encore pu percer, mais qui assurément est au moins aussi contagieux que le bonheur de mon père.
Mes yeux se dirigent vers la maison. Plutôt grande, a priori confortable, surtout pour deux personnes vivant seules, agrémentée d'un vaste jardin. Trois fenêtres percent une avancée sur le toit, et je me demande un instant si la chambre de Léa se cache derrière l'une d'elles. Probablement ; je l'imagine à l'étage, comme moi à Saint Avertin.
La porte d'entrée s'ouvre, dévoilant Christelle. Mon père vient pourtant à peine de retirer son doigt de la sonnette, et je ne puis m'empêcher de voir Christelle dans le vestibule, impatiente, n'attendant que ce signal pour ôter ce panneau de bois qui la sépare de Jérôme. Si c'est pas mignon... Elle nous invite à entrer, et je suis mon père dans son avancée.
C'est une impression un peu étrange qui se saisit de moi lorsque je pénètre dans la demeure. J'ai beaucoup pensé à Léa, je ne peux pas me le cacher, et d'être chez elle me laisse un sentiment inhabituel. Mon père m'a proposé de l'accompagner à cette invitation parce que mes derniers cours avaient lieu cet après-midi, et je crois qu'il a envie que je découvre Christelle avec lui, et que je me fasse de Léa une soeur. Il est amoureux.
Christelle lui fait la bise, en me jetant un regard oblique, comme si je ne les avais pas entendu s'embrasser la dernière fois, depuis ma chambre. Allez-y, mélangez vos salives devant moi, ne vous gênez pas, je n'en ai plus rien à faire. Je voudrais juste savoir où est Léa. Et mince, il faut que j'arrête de songer à elle de la sorte, c'est ridicule. Cette gamine que je n'ai vu qu'une semaine, avec qui j'ai échangé une vingtaine de mots, qui ne m'a jamais regardé... C'est trop stupide.
« Tu montes chercher Léa, Léo ? Je ne m'habituerai jamais, je crois, à ces deux prénoms dits l'un à la suite de l'autre ! Tu montes à l'étage, tu prends à droite, c'est la porte à gauche au fond du petit couloir. Dis-lui de nous rejoindre dans le salon. »

Sa chambre est donc bien à l'étage. Je prends doucement les escaliers, observant le papier peint clair, les cadres de bateaux qui ornent les murs. Une ambiance chaleureuse se dégage du résultat. J'arrive sur le palier, suis les indications qui m'ont été données, pour finalement arriver à une porte ouverte. C'est un autre univers. Les murs sont blancs et nus, un ordinateur trône au fond de la pièce, sur un large et imposant bureau, lui-même encadré par deux énormes bibliothèques emplies de livres. Un lit occupe le coin le plus proche de moi à droite, d'une seule place, entièrement blanc lui aussi. Le sol est tapissé d'une moquette bleue. Une grande armoire prend une partie du mur de gauche. C'est à peu près tout le contenu de la pièce. Devant l'ordinateur, Léa se tourne vers moi sans quitter son confortable fauteuil de bureau. Elle me regarde, et un sourire naît sur ses lèvres, qui, sans que je puisse l'en empêcher, se répercute aussitôt sur les miennes.
« Salut. »
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