Alsciaukat
| Sujet: Fragment #129 - Quatre demoiselles de fumée 13.04.08 18:14 | |
| Dimanche 27 janvier 2008 à Tours « Et dire que ça fait deux semaines, et que tu ne nous préviens qu'aujourd'hui ! - Oh, ça va... - Laisse, il te taquine... - Dites, euh... Vous voudriez pas arrêter de parler comme si je n'étais pas là ? » Tout le monde se retourne vers Etienne en souriant, sauf moi. Je garde les yeux baissés vers la table, mes doigts dansant autour du verre. « Désolé, mon chéri, mais tu sais, ces trois-là sont d'une impolitesse rare... Il n'y a que Léo qui soit poli, on se demande presque comment il peut rester avec cette petite peste de Léa ! » Je regarde Jérémy, qui essaie de me réintroduire dans la discussion. Il me regarde d'un air encourageant. Je ne puis m'empêcher de songer à Alexandre, qui parfois me regardait avec la même expression, et qui avait trouvé en moi un partenaire pour son homosexualité refoulée. Jérémy ne refoule pas la sienne. Malgré cela, j'ai été surpris quand Léa m'a annoncé qu'il avait un copain et que nous allions le voir pour la première fois. Etienne. Il rit avec eux, déjà il est devenu leur ami, tandis que moi-même, depuis six mois, je suis encore un peu en dehors de leur cercle. Je suis un peu jaloux. Comment a-t-il fait pour s'intégrer aussi rapidement ? On dirait que chez lui, c'est naturel, qu'il lui suffit de parler avec quelqu'un pour lui être sympathique. « Oh, tu sais... commencé-je à répondre, faisant un effort pour m'intégrer. - Il est méchant ! » Jérémy regarde Juliette d'un air un peu contrarié ; elle n'a pas compris sa tentative de m'insérer, et m'a coupé, réduisant mes efforts à néant. « Il est juste jaloux ! reprend Léa. Il trouve que Léo est trop beau pour moi ! - Je suis sûr que c'est ça ! » renchérit Pierre, le sourire aux lèvres. Jérémy éclate de rire, et Etienne est un petit peu gêné. « Ui, sans doute, marmonne-t-il, et il me fait un clin d'oeil charmeur. » La bonne humeur règne autour de la table. Je souris moi aussi, et porte mon verre à mes lèvres. La discussion va bon train autour de ce couple naissant. Etienne est en quelque sorte une chance pour moi de m'intégrer en même temps que lui. C'est vrai qu'il a l'air gentil. Il sort un paquet de cigarette, en prend une et en propose une à Jérémy, qui se sert, puis il se tourne vers nous, interrogateur, le paquet tendu. Je sens que Léa hésite. « Oh et puis allez, je veux bien, tiens, s'il te plaît ! » Juliette la regarde d'un air un peu étonné, tandis que Pierre lui jette un regard complice. Jérémy rigole. « Maintenant que tu as commencé, tu ne pourras plus t'arrêter ! Léo, tu en veux une aussi pour l'accompagner. - Ben pourquoi pas. » Ma réponse me surprend moi-même. Fumer. Quelle idée étrange. Mais si Léa le fait... Non, mauvaise formulation. Je ne suis pas un caniche qui suit le moindre de ses gestes. Simplement, j'ai envie d'essayer avec elle. Je saisis une demoiselle de fumée par le filtre, puis, après qu'Etienne a allumé sa cigarette et celle de Jérémy, me penche en avant pour cueillir la flamme de son briquet. Je tousse en prenant une première inspiration. J'y suis allé trop fort. Léa rit, et, une seconde plus tard, se met à tousser elle aussi. Après tout, elle n'est pas non plus une fumeuse aguerrie. Je reprends une bouffée, plus timide, et sens une sorte de blocage au niveau de la gorge lorsque j'essaie de l'aspirer, mais me retiens de tousser. Je recrache un minuscule nuage de fumée, engloutie par celui qu'Etienne vient de souffler. La conversation continue, pendant que je m'essaie à la drogue. Rapidement, Jérémy et Etienne ont fini leur cigarette, et Léa et moi nous retrouvons tous deux à prendre assez de fumée pour en recracher et suffisamment peu pour ne pas suffoquer. Je trouve ça sympa, de fumer avec elle, malgré le goût moyennement agréable du goudron qui me tapisse le palais. Finalement nous nous levons, payons et sortons. Il fait froid, dehors, dans l'obscurité de la nuit tombée. Bises, poignées de main. Léa et moi regagnons le parking où nous nous sommes garés. Je lui ouvre la porte et m'installe au volant, enfonce la clé et la tourne. Le moteur ronronne. Je regarde Léa. C'était une chouette soirée. | |
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